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Réflexions - Page 84

  • Le triomphe de Thomas Piketti peut-il faire évoluer le monde?

    C’est avec stupéfaction que j’ai découvert l’accueil fait par l’Amérique à Thomas Piketti, économiste français et  la réaction des  personnes importantes des États-Unis  et d’ailleurs à la publication de son livre «  Le capital au XXIème siècle ». 

    Lorsque  ce gros pavé de 900 pages avait paru en septembre 2013, j’en avais téléchargé un extrait pour voir à quoi ressemblait cette analyse des dérives du capitalisme. Thomas Piketty avait  affirmé faire œuvre d’historien et écrit ce livre, après  15 ans de recherches comparatives pour comprendre vraiment ce qui avait dérapé. J’avais lu que, pour « la première fois en 2012, les 10 % les plus riches se sont arrogé plus de 50 % des revenus distribués aux Etats-Unis … Jusqu’où cela va-t-il aller ? Jusqu’à 60 % ou 70 % ? ». et aussi « Les inégalités de richesse pourraient dépasser celles du XIX siècle  ».…« Sous un régime capitaliste, les riches deviennent encore plus riches par rapport à tous les autres et les inégalités sont  de plus en plus grandes »…. « Tout cela est inexorable.C’est une perversion des marchés »

     

    Même son de cloche venant de Joseph E Stiglitz qui ne mâche pas ses mots dans un interview de janvier 2014;

    « Aux Etats-Unis, le revenu médian baisse continuellement ; celui des salariés est inférieur à ce qu’il était il y a quarante ans. En Europe, plus de la moitié des jeunes Espagnols et des jeunes Grecs sont au chômage. Le FMI prévoit pour l’Espagne un taux de chômage supérieur à 25 % dans les années à venir. Globalement, l’économie de marché ne fonctionne pas. Des ressources restent inutilisées, tandis que des besoins restent insatisfaits. D’importants segments de nos sociétés n’en retirent aucun bénéfice. Il ne faut pas s’attendre à des progrès significatifs en 2014 ou dans l’avenir prévisible. Tant au niveau national qu’international, les systèmes politiques paraissent incapables d’entreprendre les réformes nécessaires à un avenir meilleur »

     

    Ce n’est pas un quelconque «  front de gauche ou écolo » qui affirme cela mais un prix Nobel d’économie et professeur à l’université Columbia, à New York. Et ce n’est que la suite des mises en garde formulées  dans ses livres depuis 2003. Joseph E Stiglitz, dont le dernier livre est  « le prix de l’inégalité »…. a enchainé   « Le triomphe de la cupidité », «  Quand le capitalisme perd la tête », «  Changer d’économie ». Bref depuis « la grande désillusion » où il a écrit  " Aujourd'hui, la mondialisation, ça ne marche pas. Ça ne marche pas pour les pauvres du monde. Ça ne marche pas pour l'environnement. Ça ne marche pas pour la stabilité de l'économie mondiale. " il essaie dans chaque livre mais sans succès de faire comprendre les dangers de cet ultralibéralisme. « La grande désillusion », c’était en  2003, il venait de quitter FMI et Banque Mondiale et avait très simplement prédit notre avenir fait de crises, de dettes et de régressions.

    Jusqu’à présent Stiglitz, Piketti, les Ecomistes Attérés et tant d’autres prêchaient dans le  désert! Quand les a-t-on entendu dans nos médias et qui les connait chez nous?

     

    Or le livre de Piketti est premier des ventes sur Amazon, on le reçoit à la Maison Blanche, il donne des conférences dont on fait des compte-rendus élogieux  : « Piketti a transformé notre discours économique. …Nous ne parlerons plus jamais de richesse et d'inégalité de la même manière … le  livre le plus important de l'année, et peut-être de la décennie !».  Même célèbre financier Waren Buffett a souligné « le bien-fondé de la thèse de cet ouvrage, reconnaissant qu'en dépit de la richesse créée par le système capitaliste, les inégalités augmentaient de façon inquiétante ».

    Et pour le journal  The Economist "la qualité des critiques qu'il a attirées donne la mesure de la force de ses arguments »

     

    En France, le silence…  mais j’ai trouvé un billet dans la presse où Piketti est accusé  « de faire du marxisme de sous préfecture »

     

    Pourtant un changement s’amorce: les étudiants en économie de 19 pays viennent de publier un manifeste pour réclamer davantage de pluralisme et dire non à la pensée unique : "Nous ne sommes pas contre la pensée néoclassique, mais contre son omniprésence. Le monde réel doit réinvestir les salles de classe et les cours aborder les questions sociétales, alimentaires ou environnementales".

    Qu’adviendra-t-il de cette démarche? en 2000, un manifeste contre «  l’autisme » idéologique avait déjà été rédigé par des étudiants en économie…. sans aucune suite.

    Il est difficile de faire évoluer, notre monde, un monde fait par les riches… pour les riches.

     

  • Réflexions a propos de l'enlèvement de collégiennes négérianes

    Le 14 avril,  270 adolescentes nigérianes ont été enlevés par Boko Haram,  et 237 se sont « évaporées ». Pas un mot dans nos médias occidentaux qui n’avaient d’yeux que pour les recherches de l’avion de la Malaysian Airline disparu un mois plus tôt. Le surlendemain,  le 16 avril,  le bateau coréen coulait avec 462 lycéens à bord. Priorité à ce drame, personne n’a eu le temps et personne a jugé utile de s’intéresser au sort des enlevées nigérianes. Et « silence assourdissant » pendant près d’un mois! 

    Maintenant cet évènement  fait le buzz ( comme on dit) sur Internet et les grands de ce monde, people en tête, parlent haut et défilent! Je suis un peu choquée de cette attitude après un si long silence.

     

    Dès le lendemain de cet enlèvement, j’ai eu envie d’ écrire une note sur mon blog. J’y ai renoncé car je voulais peser mes mots avant de les mettre en ligne. Le sujet est tellement sensible pour moi, responsable de plusieurs écoles dans notre petite association au Niger!

    C’est en l’an 2000 que j’ai découvert les écoles de la région du parc du W lors d’un voyage d’études effectués par des coopérateurs de POINT-AFRIQUE, dont je suis fière de faire partie. Reçus dans les villages par le chef du village et les édiles, nous étions chargés de demander comment nous pouvions les aider Je suis revenue de ce voyage très émue car tous avaient placé l’école en première priorité. Et tous avaient mis l’accent sur l’importance de l’instruction pour les filles. Je me souviens d’un minuscule village qui n’avait pas encore d’école et où les jeunes étaient prêts à en construire une. Ils nous avaient dit  combien l’instruction pour eux et leurs sœurs était primordiale! Au retour, nous avions retenu 4 points, dans l’ordre souhaité par les villages: les écoles, les puits, la santé, et le maraîchage.

    De ce premier voyage, il me reste des images plein la tête. Le jeune instituteur très fier de nous montrer qu’il  a presque autant de filles que de garçons, une école de la deuxième chance (pour ceux qui ont commencé l’école à huit ans) et qui réussit d’une manière remarquable, et par-dessus tout l’école où j’ai laissé un coin de mon cœur avec un couple d’enseignants admirables qui faisait  à la fois de l’instruction, de l’éducation et de l’information et dont les grandes élèves étaient d’une maturité impressionnante. 

    C’est à la suite de ce voyage que nous avons fondé la Poulie et c’est là que je me suis engagée auprès des instituteurs. J’ai pensé illustrer   cette note avec des photos, j’en ai tant de si belles, … je n’ai finalement pas voulu mettre des visages à découvert.  Mais je regrette de ne pas montrer l’école en tige de mil posée sur la poussière rouge du chemin avec quelques élèves dont 3 fillettes si attentives devant le tableau, …une autre école, avec 2 petits bouts de filles de CP, voilées et si belles, découvrant avec émerveillement la lecture, et tant de grandes filles,  en costume traditionnnel, polies, souriantes, participant intelligemment à la classe et prêtes avec sérénité à aborder des études.

     

    J’ai eu connaissance de l’existence de Boko Haram il y a déjà cinq ou six ans, et ai été effrayée de leur « terrorisme islamiste ». Etre opposés à la modernité et aux valeurs occidentales, c’est une idée qu’on pourrait l’admettre, …. notre civilisation n’est pas un modèle  et et notre rôle en Afrique n’a pas été  et n’est pas toujours exemplaire, mais revendiquer leur radicalisme et leur barbarie au nom de la religion est un mensonge. L’islam n’est pas « J'ai enlevé les filles. Je vais les vendre sur le marché, au nom d'Allah. [...] J'ai dit que l'éducation occidentale devait cesser. Les filles, vous devez quitter (l'école) et vous marier » comme l’a affirmé leur chef!

     

    Je pense à tous mes amis instituteurs, musulmans,  je respecte leur croyance et je respecte leurs coutumes. Comme a dit le pape François « qui suis-je moi pour les juger? ». Ce que je constate c’est qu’ils s’impliquent tous dans l’instruction et l’éducation des filles  et ils font tout ce qu’ils peuvent pour qu’elles aient un poids dans la société africaine actuelle.  L’un m’a dit «  C’est par les femmes que se fera l’évolution de l’Afrique ». Et il était sincère!

     Ce qui est à craindre, c’est que nous, occidentaux,  faisions  l’amalgame entre les musulmans et Boko Haram, entre la croyance religieuse et la barbarie, et que la haine de l’Autre, de l’Etranger  s’attise plus encore dans notre pays.

  • Non, les antibiotiques, ce n'aurait pas du être automatique!

    De plus en plus souvent, on lit des rapports médicaux, révélant  l’inquiétude des médecins,  voyant que la résistance aux antibiotiques progresse partout sur la planète. Conférence mondiale sur les maladies infectieuses, communiqué de l’OMS, tous se montrent très pessimistes. Les bactéries sont des organismes intelligents et résistants qui savent s’adapter et développer des mécanismes de défense face aux antibiotiques. Or, elles sont entrées en résistance et beaucoup sont devenues multirésistantes. La France est un des plus gros consommateurs d’antibiotiques en Europe, une bonne part d’entre eux pour des maladies d’origine virale sur lesquelles ils n’ont aucune efficacité. On en consomme beaucoup trop trop et dans des conditions inadaptées, en conséquence,  les microbes sont en train de gagner « la course contre les antibiotiques ».

    J’ai trouvé un chiffre officiel: 70 millions de boîtes d’antibiotiques prescrites en France au premier semestre 2010 et ça ne doit pas être amélioré, malgré le slogan « les antibiotiques ce n’est pas automatique » Cette même année on avait estimé que 25 000 décès en Europe avait été causés par des agents infectieux devenus résistants.

     

    En 2010 aussi, on a utilisé 1067 tonnes d’antibiotiques à usage vétérinaire  C’est que la consommation animale a maintenant dépassé celle des hommes. Pourtant toujours en 2010 la Commission européennes avait décidé de diminuer la consommation animale de 25 % en 5 ans! Malgré cela, dans les élevages intensifs, les antibiotiques sont souvent présents du jour de la naissance jusqu’au jour de l’abattage, surtout pour les lapins, porcs et poulets.

     

    Il faudrait réagir car, depuis 20 ans, la médecine le reconnaît, il y a eu aucune molécule nouvelle découverte. Et le traitement antibiotique devient inefficace dans de nombreuses maladies aussi bénignes qu’une otite, une infection urinaire ou pulmonaire. « Le monde s’achemine vers une ère postantibiotique, estime Keiji Fukuda, sous-directeur général de l’OMS pour la sécurité sanitaire. Des infections courantes et des blessures mineures qui sont soignées depuis des décennies pourraient à nouveau tuer. »

     

    Dans mon adolescence, j’ai connu le début de la pénicilline, le traitement miracle qui guérissait en deux jours…. de tout, pensait-on , j’ai été émerveillée par la découverte de  la streptomycine capable même de guérir une méningite tuberculeuse. 

    Jeune institutrice, j’ai constaté les dérives des parents de mes élèves qui imploraient le médecin pour avoir des antibiotiques pour toute affection, infection douleur! J’ai connu des médecins qui précédaient même la demande. Pourtant on savait  déjà qu’il fallait garder les antibiotiques pour leur usage.  Par chance, j’avais un excellent médecin de famille, devenu un ami, très concerné par le  problème des antibiotiques et des « somnifères ». C’est pourquoi j’essayais d’expliquer aux parents,  sans aucun résultat.

    Nous évoquions ce problème l’autre jour avec une amie de mon âge, ex-institutrice  de CP comme moi, elle en ville, moi dans un tout petit village. Nos souvenirs étaient les mêmes:  nous appelions nos petits des années 1950/70 « la génération antibio/théralène. » Non content de les gaver d’antibiotiques pour un rien, les parents leur mettait dans la bouche chaque soir  leur sacro-sainte cuillerée de Théralène.  

     J’avais 3 enfants, de l’âge des leurs,  je leur expliquais pourquoi je refusais de les rendre accro aux médicaments. Mais c’était en pure perte. Maintenant on nous annonce qu’à l’avenir, on pourra de nouveau mourir d’un panaris ou d’une otite et je trouve cela navrant.