Durant cette décennie, j’étais institutrice d’abord dans un village de 200 Habitants, une seule école, 2 maitres, mon mari les grands, moi, les 4 ans 8 ans. Quelques années plus tard, j’étais en charge d’un CP dans un commune suburbaine en plein développement. Pourquoi parler de basculement du monde de l’enfance du point de vue d’une institutrice? 2 causes: la famille a appris a vivre avec la télé et la médecine est apparue omniprésente dans la manière d’élever les enfants
Je parlerai aujourd’hui de la télé, des centres d’intérêts des enfants a l’école après l’introduction de ce nouveau « membre » de la famille, peu a peu omniprésent. La télé ! un bouleversement dans leur vie, c’est certain! .
Depuis mon entrée dans l’enseignement, chaque lundi matin, 2 enfants venaient parler de leur dimanche devant leurs camarades. Après cet exposé, je préparais les fiches de lecture les math et ce qu’on appelait les leçons de choses a partir du dimanche des élèves. Et mes petits aimaient retrouver dans les leçons les expériences concrètes de leurs camarades.l
C’étaient des occupations,des distractions,des apprentissages, intéressants, distrayant ou éducatifs. Ils étaient allés aux champignons aux châtaignes, a la péche avec parents et souvent grands parents et cousins. Alors ils avaient piqueniqué au bord de la Loire et avaient participé a la préparation du piquenique. A la maison, is avaient cuisiné avec maman, jardiné ou bricolé avec papa et souvent avaient inventé des jeux et fabriqué des jouets avec les moyens du bord. Souvent ils étaient allés déjeuner en famille ou la famille était venue passer le dimanche avec eux. Les voisins et la famille souvent très élargie, c’était une communauté paysanne ou les grands parents avaient une place importante et transmettaient tant de savoir ancestraux et de tant valeurs. Pour mes petits, c’étaient des dimanches enrichissants, ils apprenaient beaucoup et la Nature avait une grande place.
Et puis voilà, entre 1960/65 tout le village a acheté la télé. Et ma classe a changé. Le lundi matin, la moitié des élèves avait un doigt levé « Maitresse, moi je veux raconter! ». Et oui, mais raconter quoi? Presque toujours .. une émission de télé ou un film. Lorsque j’ai été nommée dans la commune suburbaine ou il y avait une barre d’HLM, c’est la 3/4 de ma classe qui un bras en l’air disait « Maitresse, moi hier, j’ai vu 3 films! » Je n’exagère pas 3 films, 14H, 17H, 20H30. Les conversations les jeux ont changé dans la cour. Et, pour les garçons, j’ai constaté très vite que ce qu’ils avaient retenu , c’était surtout la violence présente dans tant de films. ( Et pourtant à cette époque, il y avait bien moins de violence qu’aujourd’hui dans les séries!).
J’ai été obligée d’arrêter plusieurs fois le récit de garçons qui n’exprimaient du film que la violence! qui se plaisaient a l’amplifier… et j’ai hélas constaté que la plupart des garçons se régalaient…. et en demandaient toujours plus! « Oh, non maitresse tu vas pas l’arrêter, c’est trop bien! »
Les petites filles préféraient les séries sentimentales, les jeux où on mettaient en vedette une personne ordinaire et elles rêvaient de notoriété et comme m’a dit une collègue « elles croient toutes qu’elles vont devenir vedette donc …. princesse ».
De plus, les enfants des 2 familles qui refusaient la télé ( un docteur et un cadre de la mairie) se trouvaient déphasés et un peu mis a l’écart. Et çà me choquait
Enfin, habitant moi-même dans un lotissement je pouvais voir dans certaines maisons la télé allumée avant 8 h et … les enfants devant! Une heure après, je devais les intéresser a la lecture, au calcul ou autre alors qu’ils avaient la tête pleine d’images … pas faites pour eux !!!!
La radio n’avait pas changé le comportement des enfants, la télé y a reussi très vite.
Et beaucoup de parents s’en accommodaient très bien et confiaient la garde des enfants à la télé. J’ai été choquée et révoltée le jour où une maman, femme au foyer, mari avec une bonne situation et 2 petites filles adorables, une au CP, l’autre en maternelle m’ a dit, avec un grand sourire: « Avant la télé, au retour de l’école, on préparait le gouter ensemble et je les occupais jusqu’au diner qu’elles m’aidaient a préparer, maintenant elles trouvent leur gouter devant la télé et je ne les entend plus jusqu’à l’heure du diner. Ah! la télé a changé ma vie! »
A qui bon discuter, elle avait pour ses filles une nounou gratuite et ne pensait plus avoir un rôle d’éducatrice.
Et dans ma prochaine note, je raconterai comment l’appel fréquent et devenu rituel aux médecins pour un rien, a aussi changé l’atmosphère de la famille et de la classe.