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Voyage

  • Directive gouvernementale: tous au velo!

    J’ai 88 ans et je roule depuis 80 ans. Dans mon enfance et mon adolescence nous n’avions pas d’autres moyens de nous déplacer, de nous rencontrer et de sortir de notre village. Depuis ma retraite je suis devenue cyclo-touriste et j’ai roulé dans une  trentaine de pays sur trois continents. À 78 ans j’ai acheté un vélo électrique, et j’étrenne depuis peu mon troisième, un bien bel engin!

    J’ai tenu à me présenter pour montrer que je savais rouler car je vais être très critique pour l’implantation et la gestion des pistes cyclables en France. D’abord il y en a très peu par rapport à tant d’autres pays, et quand il y en a il faut être un peu acrobate pour les utiliser.

    Or depuis la pandémie du coronavirus, on voudrait que tout le monde se mettre au vélo, et comme on s’est aperçu que l’obésité était un facteur de risque, on propose à tous, même les personnes âgées de prendre leur vélo pour sortir de chez elle. D’ailleurs on offre 50€ pour faire réparer un vieux vélo, certaines associations offrent 2h gratuites pour apprendre à rouler en toutes circonstances si bien que le marché du vélo n’a jamais été aussi engorgé,et que l’attente pour  réparations demande plusieurs mois. De plus on a ouvert des voies entières appelées « pistes Covid 19 ». Bref tout incite à enfourcher son vélo.

    Oui mais.... depuis le déconfinement nous avons roulé autour de Nantes, autour d’Angers et dans la presqu’île du Croisic, 3 régions réputées pour avoir réaliser de belles pistes. Et ce n’est pas toujours simple.

    Rouler sur une belle piste et en rentrant dans un bourg voir la fin de me piste et le retour en pleine circulation est monnaie courante. On peut aussi faire rouler sur un trottoir avec tous les 10m une entrée  de maison marquée un dénivelé et par des poteaux souvent, hélas, en bois. Et de plus il faut s’attendre à slalomer entre les poubelles. En ville il est aussi fréquent que le piste descende sur la route à un feu rouge... et remonte de l’autre côté. Quant aux ronds points, il n’est pas rare qu’une voiture vous double pour tourner à droite en rasant votre roue avant ( j’ai failli avoir un accident comme ça!). Et dernier chose remarquée, il devient de plus en plus à la mode de marquer le bord de la piste avec des madriers d’une quinzaine de cm de haut et d’environ 2m de long. Et conséquence funeste, un jour, nous passions alors qu’un cycliste allongé sur le sol, une mare de sang autour de la tête était entouré de secouriste qui venaient d’arriver. On nous a appris que sa roue avant avait touché le bord du madrier.

    Ce n’est sûrement pas simple pour les municipalités car nos routes n’ont pas été prévues pour les vélos, mais il faut se méfier de tout. Et en France le cycliste n’est pas privilégié. Que penser des routes où le goudron a été refait.... jusqu’au bord de la piste, restée pleine de trous. On a hélas vu ça!

    De plus, on se fait «  incendier » par les automobilistes si on met une roue sur la « vraie » route.

    C’est vrai que la majorité des cyclistes et des automobilistes sont respectueux les uns des autres. Mais, en France plus qu’ailleurs, une frange d’automobilistes considèrent les cyclistes comme des ennemis.

    Et je conclurais en parlant « d’ailleurs », Suisse, Allemagne, Autriche, Pays Bas et les si accueillants pays nordiques! Nous y avons fait des milliers de km, comme il est agréable de rouler dans les pays à l’est et au nord de chez nous. Tout est fait pour que le cycliste se trouve bien sur de superbes pistes, larges et rationnelles ... et quand il roule sur la route il est toujours prioritaire.

    « Apprenons à partager la route », on l’écrit de plus en plus souvent, mais hélas, ça reste souvent lettre morte chez nous! Et je plains les pauvres «  vieux » qui voulant bien faire vont vouloir se mettre au vélo.

  • Journal d'une vieille confinée... contestataire (8) Faire mal ... sans le vouloir!

    Il y a quelques jours je voulais proposer un petit florilège des phrases prononcées envers des personnes âgées, phrases que lesdites personnes avaient fort mal reçues. Certaines ont été dites dans la vie courante, d’autres en EHPAD, d’autres par des médecins. J’ai connu tous ces gens choqués et se sentant humiliés.

    En voici quelques unes:
    - Petit échange entre un médecin et une patiente à qui on venait de découvrir une pathologie., sans doute grave:
    « Voulez vous m’expliquer, docteur ». Réponse: « ce n’est pas la peine , vous ne comprendriez pas ».
    Bien sûr... une femme et vieille de plus!

    - Un autre échange
    « Et bien, Monsieur, combien prenez vous de médicaments par jour? » «  Aucun, docteur ». «Allons, Monsieur, ne mentez pas, vous prenez forcement quelque chose! »
    Parçe que, voyez vous, tous les vieux prennent 10 médicaments au moins par jour ( c’est hélas vrai pour beaucoup) et mentent sans doute.

    - Après l’achat de matériel informatique, une femme âgée retourne au magasin pour faire une remarque. Le vendeur ne l’accepte pas et la renvoie en disant qu’elle ne peut rien savoir. Sauf qu’elle faisait, par passion, depuis une quinzaine d’années, de l’Informatique en club!

    Et venons en aux tests qu’on fait passer aux vieux en certaines circonstances.
    - Après un AVC, une amie passe une batterie de tests et s’entend féliciter chaleureusement «  Oh comme c’est bien, vous avez réussi » Réponse cinglante «  oui, ce sont des tests pour déterminer si l’enfant est apte à entrer en CP »

    - Une voisine, bien malade, a qui on avait présenté un cercle avec les chiffres de 1 à 12 avait été aussi félicitée car elle avait affirmé que c’était une pendule et encore plus chaudement d’avoir su placer les aiguilles sur 14h40! Mais elle le racontait en riant. Différence de sensibilité!

    - J’ai suivi un ami en Ehpad après la mort de sa femme. Il s’est laissé couler et est mort en quelques mois sans avoir réussi à s’intégrer. Je lui avait conseillé de participer aux activités. Premier essai avec la belote... verdict sans appel «  ils ne savent pas jouer et ils trichent ». Essai du Quiz à l’heure du goûter, nouvel échec «  ça sont des questions pour gamin de 8 ans » et il est mort.

     - Et que dire de celle que j’avais bien connue, entrée en Ehpad à 95 ans, qui a tenu un petit carnet jusqu’à son dernier jour, petit carnet ou une phrase a fait beaucoup de peine à ses proches. Cette femme de valeur, érudite en tant de domaines, avait ecrit :
    « Qu’ai je fait pour mériter d’être appelée méchante mémère ? »

    .J’ai beaucoup réfléchi à tous ces cas. Je ne pense pas à de la méchanceté délibérée. On manque de notions de psychologie et on ne veut pas comprendre que tous ces gens ont mené une vie difficile souvent de main de maître et vivent mal d’être devenu «  invisibles » et « rejetés »à cause de leur âge.
    Dans notre société, hélas, on a peu à peu, depuis la guerre, érigé le jeunisme en loi, estimé qu’être jeune était impératif et que passé un certain âge, on devait se mettre, ou nous mettre «  dans un placard ».

    Et je vais terminer par une histoire d’enfants des années 1960. Dans ma classe de village ou j’avais les enfants de 4 ans à 8 ans, on votait pour élire la photo que je mettrais au dessus de mon bureau pendant l’ année. Cette année la, mes élèves ont eu à choisir entre 3 portraits: une petite fille aux tresses blondes, une vedette américaine ultra «  retravaillée » et un vieux marin breton au visage buriné avec pipe et casquette. Que croyez vous que les enfants ont choisi? j’ai moi même été très étonnée... le vieux marin breton. Très drôle, les garçons auraient plutôt choisi la petite fille, quelques filles la vedette, mais beaucoup m’ont dit «  Il est beau, le vieux grand-père » . Et il a passé l’année dans un cadre au dessus de mon bureau!
    Je ne suis pas sure que le choix de la génération actuelle serait le même.

     

  • Une découverte bien sympathique: les prud'homies de pêcheurs méditerrannéens

    C’est lors d’une balade sur le port de Sanary que j’ai découvert, le mois dernier  un bâtiment sur lequel j’ai lu: « Prud’homie de Sanary ». Je connaissais les «  Prud’hommes », je me suis demandée ce que ce terme « prud’homie » pouvait recouvrir ici et Google m’a permis de découvrir une très ancienne et très intéressante institution. Qu’elle vive encore après plus de 1000 ans, malgré les aléas et les interdictions qu’elle a rencontrée au cours des âges est une raison d’espérer que le monde peut rester humain et plus juste, si les hommes le veulent vraiment!. 

    Issues des communautés de métiers du Moyen-Age, les prud'homies de pêcheurs sont des institutions qui encadrent  la gestion de l'ensemble des ressources marines vivantes sur tout le littoral méditerranéen français.Ces communautés de patrons pêcheurs élisent des Prud'hommes chargés de gérer la pêche sur leur territoire, par des attributions réglementaires, juridictionnelles et disciplinaires.

    Les décisions sont fondés sur le respect de la personne et des générations futures. 

    « Tout le monde doit pouvoir vivre de son métier (ou le soleil se lève pour tout le monde). Il faut éviter qu'un métier n'en chasse un autre... Un métier, il vaut mieux le réglementer que l'interdire par rapport à ceux qui en vivent... Si la pêche est perdue pour un pêcheur, elle ne doit pas l'être pour tout le monde... Il faut laisser reposer les espèces, ou les «pierres » alternativement (une sorte de jachère)... La mer, il ne s'agit pas de la vider mais d'en bien vivre et d'en laisser à ses enfants »

    De bien beaux principes qui détonent à notre époque! Et çà marche: a Sanary, il y a 13 patrons pêcheurs et 4 matelots élus  pour gérer localement, avec simplicité, rapidité, et à moindres frais, l'activité de pêche et les conflits qu'elle occasionne, pour préserver des zones marines, pour conserver un modèle de gestion des pêches qui a fait ses preuves dans le temps...

    Le chalutage est interdit au même titre que les filets trainants Le nombre de captures est plafonnée par bateau. Les jeunes sont protégés par la taille minimale des mailles et hameçons. Les temps de trempage des engins dans l'eau sont plafonnés également. Les zones de frayères sont protégées, des périodes d’arrêt de pêche instituées. 

    De plus, les prud'hommes sont attentifs à la situation individuelle de chacun des membres de la communauté : soutenir les jeunes, les pêcheurs retraités, les veuves, ceux qui ont des soucis (santé, matériel, autorisation administrative...). Le soutien, selon les cas et les possibilités, peut être financier, administratif, institutionnel.

    Rue 89, qui a écrit un article très documenté,  titre « Une autre vision du travail, de la propriété et des relations sociales. Et le fondement d’une révolution ? ».  Il y a une trentaine de prud’homies, des microsociétés d’artisans-pêcheurs similaire le long de nos côtes, pourquoi ne se généraliseraient -elles pas? Beaucoup pensent comme eux que « « La mer n’appartient à personne. Le libre accès à la ressource devrait être la règle et les pêcheurs, se règlementer eux-mêmes. Bruxelles, c’est des quotas, des licences : on privatise la mer. »

    Mais les prud’homies préférant valoriser des quantités limitées et diversifiées sur un marché local bien achalandé plutôt que de vendre de grandes quantités à bas prix contrecarrent l’industrialisation des pêches et le productivisme et doivent lutter contre les directives nationales et européennes, souvent  sans être entendus, encore moins comprises. 

     

    Pourtant elles démontrent que les choses peuvent changer et que l’industrialisation de la pêche n’est pas une fatalité.