Les temps ont changé, on écrivait à la main, on faisait des brouillons… on attendait, on réfléchissait, on améliorait et on corrigeait. Les outils ont changé : pour écrire, nous passons désormais presque tous — et presque exclusivement — par nos ordinateurs et nos smartphones.
Or cela n’a rien d’anodin : remplacement d’alphabets complexes par des versions simplifiées et adaptées aux claviers, perte de nos capacités orthographiques à cause de l’utilisation de certains logiciels d’écriture intuitive, etc … Le numérique dérègle progressivement notre langue. Pour Pierre Magistry, chercheur en linguistique computationnelle (une discipline qui conçoit une modélisation des langues en s’appuyant sur l’informatique et les statistiques), nous sommes même en train de vivre un tournant dans l’histoire culturelle du monde.
Twitter qui limite à 140 caractères , Messages etc… toutes ces applications qui misent sur l’instantanéité, n’incitent pas à développer sa pensée et à employer des mots recherchés.
Autre problème, l’emploi de la fonction dictée! Handicapee par de l’arthrose des mains, et écrivant beaucoup, j’ai pris l’habitude de dicter à Siri ((Mac). Pauvre Siri, des tournures compliquées pour lui, des mots inhabituels et il efface, parfois plusieurs fois et finit par écrire n’importe quoi, souvent des phrases ridicules et sans aucun sens. Bien sûr, si cette IA s’enrichit du vocabulaire qu’on lui donne à entendre, il est normal qu’il ait de grosses lacunes!
Jean-Paul Fitoussi va plus loin. « Il y a un processus qui s'enclenche dans une société qui conduit à l'appauvrissement de la langue et donc à l'appauvrissement de la pensée. La pensée unique vient de l'appauvrissement de la langue… La manipulation des populations passe par l'appauvrissement de la langue »
Tant de raisons donc à l’appauvrissement de la langue! on écrit de moins en moins, on a remplacé la lecture de livres au vocabulaire riche par le survol de forums ou de réseaux sociaux où le travail du style n’est vraiment pas le but des écrits…. l’orthographe non plus d’ailleurs!
Et je terminerai en reparlant des médias car c’est le président du CSA qui a écrit: « On répète ce qu’on entend à la radio, ce qu’on entend et voit à la télévision. L’audiovisuel est aussi l’école du français ». Or sauf si France Culture est un passe-temps favori, je doute fort qu’on enrichisse son vocabulaire en écoutant les médias.
Et ce qui me désole c’est que ce sont encore les gens des milieux défavorisés qui sont le plus concernés. Lors de mon enfance avant guerre, dans tous les milieux on parlait d’éducation populaire, d’élever le Peuple par la Culture. Combien de fois ai je entendu chez mes grands parents ( paysan, carrier) le tryptique suivant « Instruction, Éducation, Culture »;. Je me rappelle que ‘c’était les mots cultes d’un de mes grand -père lors des repas familiaux, je doute fort que ce soit la conversation habituelle autour de la table de nos jours..