J’en reviens à la « cabale de la théorie du genre ». C’est curieux comme cette affaire m’en évoque une autre, très différente dans l’époque et le contexte, mais où une petite fille de 7 ans a compris ce qu’étaient la désinformation et la haine de l’Autre.
J’ai écrit ce texte, il y a une dizaine d’années, évoquant pour mes petits enfants mes « souvenirs de guerre ».
Lorsque la France a été envahie, mes parents angevins ont eu l’idée saugrenue de m’emmener chez mes grands parents vendéens, soi-disant pour me mettre à ’abri. De quoi ? …car les Allemands étaient arrivés a Bordeaux avant que nous n’arrivions près de Niort!
« Lors de notre passage chez mes grands parents, un épisode m’a beaucoup frappé. Le bourg était plein de réfugiés venant du Nord de la France, et, à la fin du repas du soir, un voisin est venu nous dire que les gens avaient repéré un couple suspect, et qu’on avait décidé de le surveiller. Quand ce couple a pris le petit chemin le long de la maison de mes grands parents, grimpant vers le haut du bourg et la campagne, toute une foule l'a suivi, et devant le tour haineux pris par les conversations, mes parents et mon grand père ont décidé de se joindre au groupe. Pourquoi ont-ils permis que je les accompagne ?
En tout cas, voilà une promenade dans un très beau soir d’été que je n’ai jamais oubliée! J’entends encore les réflexions….
« Ce sont des Boches, d’ailleurs regardez leur tête »…« Ce sont des espions » …« Ils ont une lampe électrique, c’est pour faire des signaux aux avions»… « Ils vont prévenir les Allemands qui vont nous bombarder, … nous massacrer, …mettre le feu au bourg ». Bref, tout le monde en rajoutait.
Mes parents et 2 ou 3 autres personnes ont essayé de ramener la foule à la raison et ont dit qu’on ne condamnait pas sans savoir. C’est vrai qu’ en ces jours d’invasion, on pouvait tout craindre, mais rien n’indiquait que ces pauvres gens qui fuyaient et accéléraient en se voyant poursuivis, avaient de mauvaises intentions.
Des avions passaient sans cesse dans le ciel. Malheureusement un avion nous survola très bas et là, quelques uns, persuadés que cet avion attendait un signal du couple, se mirent à courir pour l'intercepter. Je pense que ces 2 pauvres personnes auraient été lynchées tant il y avait de haine dans les paroles et les gestes mais le groupe des modérés a obtenu qu’on les mène à la mairie. Le maire , arrivé la hâte, improvisa une réunion. Tout se résuma à deux réfugiés très jeunes, terrorisés, qui venaient de traverser la France a pied, qui avaient subi maints mitraillages, qui ne savaient ni où ils étaient, ni où ils allaient. Malgré la persuasion du maire pour calmer la foule devant la mairie, beaucoup sont repartis chez eux sans être vraiment convaincus.
Je suis rentrée main dans la main entre mes parents et je les écoutais : ils étaient navrés de leur constater, une fois de plus, les réactions irrationnelles d’une foule incapable de réflexion. Quant à moi, j’étais terrorisée d’avoir découvert que tous ces voisins connus , si gentils avec moi et ma famille, auraient été capables de tuer, sans réfléchir, sans hésitation, sans scrupules et surement sans remords!!
Beaucoup d'attitudes de groupes en cette période trouble me rappellent le soir ou j'ai compris tant de choses. J'avais 8 ans et je n'ai rien oublié!»