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Réflexions - Page 90

  • Soutien à Emmanuel Giboulot et réflexions

    Je lis ce matin sur Rue89 « Une journée avec le vigneron bourguignon qui dit non aux pesticides ».  Il y a déjà plus d’une semaine que j’ai signé la pétition  et que je l’ai transmise à des amis. Des quantités de raisons m’ont amenée à signer … accumulées depuis les années 70, depuis que j’ai découvert, l’un après l’autre «  Printemps silencieux » de Rachel Carlson ( 1962) puis «  Quelle terre laisserons nous à nos enfants ?» de Barry Commener (1969). De ce livre, j’ai gardé la citation suivante, qui est de plus en plus d’actualité, me semble-t-il!: « Il ne s'agit pas de rejeter naïvement notre technologie, mais de démontrer surtout le mauvais usage que l'on en fait . Nous utilisons de nouvelles technologies polluantes qui menacent notre milieu parce qu'elles sont sources des plus grands profits ." 

    Dans l’article de Rue 89, Emmanuel Giboulot, raconte le parcours de sa famille, et un passage m’a particulièrement frappée! 

    « Mon père, avait une ferme en polyculture, avec une vigne qui subsistait. A la fin des années 50, il était le premier dans la commune à utiliser les désherbants, les engrais. Il testait des produits chimiques... Un jour, il a fait le choix d’arrêter cette agriculture dite moderne ».

     

    Immédiatement j’ai évoqué le parcours d’un de mes oncles , qui, toute sa vie, s’est dit: ….« pèsan 200% et fier de l’être ». Lui aussi a cru à la chimie, a utilisé engrais, désherbants et pesticides et a nourri sa dizaine de porcs avec ce que la coopérative lui recommandait. iI était fier d’appartenir a cette génération moderne qui, avec le progrès, allait amener sur terre une ère de bien-être et d’abondance pour tous.

    La première interrogation lui est venue à propos de l’alimentation des porcs et, un jour, un bas-flanc a isolé des  des autres le cochon de la famille qui a retrouvé une alimentation traditionnelle.

    Et puis il est devenu moins fier de la grosseur de ses légumes, de la régularité de ses fruits et du rendement de ses terres. Quand il a quitté la ferme, il a fait un peu de maraîchage qui n’était pas bio mais il avait perdu la confiance en la chimie. 

    Il est mort à 93 ans en 2005,  et je n’oublierai jamais notre dernière rencontre. Presqu’aveugle devant sa télé, il écoutait des informations du monde agricole et s’indignait à haute voix . Il m’a expliqué «  Vois-tu, les paysans ne sont plus des paysans. Il n’aiment plus la Terre »  et devant mon air interrogateur, a ajouté «  Ils n’aiment plus la terre car il ne la respectent pas »…. une bien belle phrase!

    Que dirait-il maintenant , apprenant qu’on risque 6 mois de prison et 30000€ d’amende pour avoir refuser de pulvériser des pesticides sur ses vignes? 

    Le père d’Emmanuel Giboulot, mon oncle et beaucoup d’autres avaient compris, mais ils clamaient dans un monde de sourds. Ils avaient compris tant de choses, les héritiers de siècles d’observation, de compréhension et d’expérience, de soins, de respect et d’amour pour leur Terre!

     

    Pendant les dernières inondations, j’ai évoqué aussi le souvenir de  conversations lointaines entre cet oncle et un cousin, maire d’une petite commune vendéenne, au moment se mettait en place le remembrement ( années 50). Ils pensaient  tous 2 que «  de grandes parcelles accessibles par des chemins droits et plats, revêtus et sans obstacles c’était pratique et rapide pour les travaux et pour le passage des tracteurs, mais regrettaient les fossés et  les rigoles, les chemins creux , leurs arbres et leurs haies   bien utiles pour le drainage des sols! »

     

    Je ne sais si les inondés du Sud et de l’Ouest ont compris leur responsabilité  dans leurs malheurs. Il est tellement plus facile d’affirmer, comme il y a quelques années, un "inondé" l’a fait sur une radio: «  Il est inadmissible au XXIème siècle de rien pouvoir faire! »

  • Jour de mai en ... février!

    Dimanche de rêve! journée radieuse, soleil dans un ciel bleu azur, vent léger et presque tiède, 15° à midi. Sommes nous bien le 22 février?

    A mon lever,  je me lance un défi, un challenge, dit-on maintenant…  faire 70 km à vélo pour découvrir les crues, de la Loire au Loir! Partie à 11h, je rentre à 16h, mes 70 km en poche, la figure chaude de soleil et les yeux plein de lumières et de couleurs.

    On parle de printemps précoce, précoce n’est pas le mot juste, c’est anormal. Les étoiles des ficaires et les collerettes de pâquerettes émaillent bermes et fossés, au milieu des minuscules véroniques bleues. Les pissenlits, les primevères et les jonquilles s’invitent déjà. Et des fleurs hors saison s’ouvrent ou refleurissent. comme cet  énorme pied d’escholtzia qui illumine un virage. 

    Je roule entre des haies roses et blanches, prunus et épines noires, dans un doux parfum suave ponctué çà et là de l’odeur  pénétrante  des mimosas.

    Plus étonnant, je « traverse » des nuages de moucherons (sans doute?), je « rencontre » un bourdon vrombissant et des « fils de la vierge » s’enroulent sur mon guidon! Mai? juin ? septembre?… je n’ai jamais vu çà en février, en 81 ans d’amour de la nature. 

    Je profite au maximum des splendides paysages de ciel et d’eau: un champ de blé devenu rizière sur lequel jouent les rayons de soleil, un fossé devenu cascade qui murmure lorsque je passe, la Sarthe devenue mer qui clapote sur la route. Et tout cela au milieu des chants d’oiseaux qui  expriment leur joie. Je n’ai pas vu l’alouette dont les trilles m’ont arrêtée sur place pour mieux écouter. Moment privilégié, je n’en avais pas entendu depuis si longtemps! Y  en a -t-il vraiment en Anjou?

    Ces longues heures à vélo ont passé comme un rêve et ce soir, j’éprouve encore le bonheur de ce jour de mai en février.

    Un regret cependant, pas pour moi qui suis comblée par ma journée… mais en constatant l’absence de promeneurs je me suis dit qu’on ne savait plus profiter de la Nature. J’ai croisé quelques couples plutôt âgés, 2 familles avec enfants, quelques cyclistes seuls, un couple  et une famille avec 2 enfants casqués. Et c’est tout! Par contre beaucoup de voitures roulaient, fenêtres fermées et clim en marche. Peut-être les occupants s'imaginaient-ils admirer les crues? mais sans rien voir, sans rien entendre, sans rien sentir. 

     Une fois encore j’ai compris que le monde que j’avais connu n’existait plus. C’était celui  celui d’avant la télé : un lundi matin des années 60, les trois quarts de mes petits élèves seraient arrivés en parlant des crues. Et chacun aurait écrit, dessiné et un beau texte final,  illustré,  aurait décoré la classe! 

  • "L'éradication tranquille" (Alain Jacobzone), un livre pour savoir et comprendre!

    Au moment de l’affaire Dieudonné et de la Shoah, j’avais été scandalisée en fréquentant divers forums de voir que beaucoup de jeunes, trouvaient  qu’on leur « avait assez pris la tête avec ça », qu’il fallait en finir avec ce souvenir donc qu’on avait le droit d’en rire.

    Respecter les millions de morts innocents, victimes d’une barbarie sans nom, me semblait seulement  faire preuve d’humanité. 

    J'avais envie de parler de ce sujet mais ne voulais pas me contenter des banalités rabâchées. Savoir et chercher à comprendre ! Ce n’est plus vraiment la mode en cette période où, chaque jour, des millions de bobards, de calomnies, de faux grossiers traversent  le Net à longueur de journée et sont amplifiés et multipliés par des millions de mails. J’ai la chance d’avoir, à 100 m de chez moi, une excellente bibliothèque où je passe de nombreuses heures. J’ai donc pris un livre sur le destin des juifs en Anjou (1940/44) d’Alain Jacobzone , angevin lui-même:

    « L ‘éradication tranquille ».... pas facile à lire, mais tellement passionnant. Ce livre est bourré de chiffres,  de textes de loi , de lettres, de récits d’époque avec toutes leurs références. 

    Tablette, en main, car c’est avec un stylet maintenant que je prends mes notes, je relève page 15

     

    « Il est proprement incroyable et franchement scandaleux que, dans un pays attaché à l’histoire et dans une province qui la cultive aussi volontiers, on en soit encore à se demander combien de victimes a fait le génocide plus d’un demi-siècle après le déroulement des faits ! Ce retard à l’hommage mériterait, en soi, une réflexion. On gomme volontiers ce qui met en évidence ses faiblesse …  on exalte la courageuse résistance à l’occupant et on tait la déportation raciale »… Et c’est vrai, on ne sait rien de la déportation des Juifs en Anjou, un département où on a pourtant fait beaucoup de zèle!. 

    On ne sait pas que les Juifs sont effacés par la loi avant d’être liquidé physiquement:  travailler, se déplacer, se ravitailler, s’instruire, se divertir leur est devenu impossible sans violer la loi et les règlements. C’est un assassinat illégal avec confiscation des biens immobiliers  et interdiction de détenir un commerce. Les comptes des Juifs sont bloqués et on leur verse seulement un minimum vital calculé au plus juste. Et les interdictions de toutes sortes, comme détenir un poste de radio ou être abonné au téléphone, sont des brimades supplémentaires.

    Un texte parle «  d’épurer d’une façon absolue la province de tous les juifs afin qu’il n’en reste plus qu’à Paris d’où ils seront finalement déportés »

    La rafle angevine se déclenche 24 heures plutôt que la rafle du Vél d’hiv , par la police française sur ordres des Allemands. Et l’auteur écrit:« On est bien obligé de constater que l’activité policière ne s’est pas toujours limitée à suivre strictement les instructions allemandes » Les convois, partant de la gare, en pleine ville,laissent les gens indifférents. Le sous préfet de Cholet écrit d’ailleurs: « ces arrestations  qui ne sont pas passés inaperçues ont laissé dans l’ensemble la population assez indifférente et n’ont provoqué aucun trouble »

    Les lettres anonymes de dénonciation de commerçants que l’on dit juifs « suent le mépris , les préjugés et la recherche mesquine du profit ». Et combien de bons Français ont été dénoncés parce qu’on convoitait leurs biens ou leur commerce!  Bien triste âme humaine … et çà ne change pas!

    D’ailleurs, en 1995, lorsqu’ après 50 ans, les archives de la Gestapo devaient devenir accessibles, je me souviens avoir lu que çà posait  un problème car  les dénonciateurs étaient le plus souvent les voisins, les amis et la famille. 

     

    Je vais terminer mon compte rendu de lecture avec un passage d’une lettre d’un angevin, adressée au Maréchal Pétain, qui vaut la peine être citée et me  réconcilie avec le genre humain

    « Vous parlez souvent de la famille, alors pourquoi pas un mot quand on sépare des femmes de leur mari, qu’on arrache les enfants à leur mère ! Quand on martyrise des gens nés juifs sans qu’il le veuillent, qu’on leur inflige des traitements inhumains. Un mot de justice serait bien placé. Laissez à l’Allemand Laval ces saletés et ne ternissez pas vos étoiles avec ces  abominations dont  l’histoire vous jugera. On oubliera Verdun  pour ne voir que cette servilité à l’ennemi … avec le Boche, vous serez toujours roulé…Agréez, Monsieur Maréchal , comme vainqueur de Verdun mes hommage et ceux du pays »