Ma dernière note pouvait faire croire que je n’accordais aucune valeur à une amitié virtuelle. Il n’en est rien… car je m’inquiétais du silence de « Nathalie » qui n’avait posté aucun commentaire sur mon blog depuis quelques semaines. Le jour de l’An, ses voeux, en complément de ma dernière note, m’ont fait chaud au coeur et un réel plaisir!
C’est donc à tous mes lecteurs, fidèles ou occasionnels, que j’adresse les miens aujourd’hui, bien sincères, en les remerciant de lire les réflexions sur la vie et le monde d’une femme ordinaire de plus de 80 ans!
Le monde a changé trop vite, la télé, les ordinateurs, les consoles et maintenant les smartphones ont cloué la majorité des hommes et des femmes des pays dits développés, devant leurs écrans, ignorant « la vraie vie » (comme a écrit la soeur de Mark Zuckenberg) et ne s’apercevant pas qu’autour d’eux vivent des êtres humains qu’ils serait bon de ne pas ignorer.
Mon enfance s’est passé dans un village de moins de 200 habitants, beaucoup de très petits cultivateurs, 2 commerces (une épicerie et un café), quelques artisans, quelques ouvriers qui travaillaient à une petite laiterie coopérative et des personnes âgées qui vivotaient avec un jardin et quelques volailles. Dans cette communauté rurale, ma mère était l’institutrice de la cinquantaine d’enfants du bourg et des environs, une classe unique mixte sans concurrence d’une école privée.
Peu de rivalités, tout le monde se connaissait, devinait les difficultés des uns et des autres et savait pratiquer l’entraide et la solidarité naturellement, sans l’appeler charité.
Devant presque chaque maison un banc de bois incitait à s’asseoir pour bavarder. Les rencontres, les conversations étaient journalières On organisait autour de ce banc d’interminables veillées l’été pendant lesquelles les langues ne chômaient pas et le rire était de rigueur. Les enfants couraient et jouaient sur la route ( car il ne passait pas de voiture) jusqu’à ce que le train de 10h siffle au loin et mette fin a ce moment privilégié. L’hiver, c’est autour de la cheminée qu’on s’invitait et là encore les conversations allaient bon train.
L’autre lieu de rencontres était le puits communal où chaque femme du bourg venait au moins une fois par jour puiser un ou 2 seaux d’eau. Que de conversations, que de rires, que de jeux pour les petits qui les accompagnaient.
Maintenant, des 19h, chacun est enfermé dans sa petite boite scotché à son écran! Comment connaître l’Autre et l’aimer, même s’il vit sur le même palier? On a bien créé une fête des voisins mais sans grand succès et si j’en juge par mon quartier, sans conséquence sur la convivialité dès le lendemain.
J’ai cité le sondage des Petits Frères de pauvres à propos des « vieux » qui n’ont pas plus de 4 vraies conversations par an. Devant l’école de mon village habitait un vieux monsieur handicapé qui chaque soir s’installait sur son banc lorsque 17 h arrivait. Et oui, pour les élèves, c’était un passage obligé… aller bavarder, rire et jouer autour de lui. Il est arrivé a ma mère,certains soirs d’hiver, de sortir pour dire à ses élèves qu’ils allaient arriver à la nuit chez eux s’ils continuaient à tenir compagnie au « père Colas ». Et il y avait d’autres personnes seules qui attendaient la sortie des écoliers pour vivre des instants au contact des enfants. De plus, on pensait à eux, par exemple, combien de fois, après avoir cueilli des fruits dans notre jardin me suis je vue chargée d’en porter à une personne seule à l’autre bourg du bourg avec mission de rester bavarder avec elle!
Impensable maintenant où la personne âgées est ignorée par les actifs!
Je veux enfin aborder un autre sujet, la mort! Elle faisait partie de la vie, on mourait chez soi, entouré de la famille, des voisins et des amis et les enfants n’étaient pas exclus des derniers instants d’un être cher. Oui, tout le monde savait d’instinct « apprivoiser la mort » et la vivre comme un passage obligé de la vie à … autre chose! Elle ne faisait peur à personne et on savait parler a ceux qui étaient dans le chagrin alors que maintenant , on les évite et ne sait quoi leur dire.
Ma vie de petite campagnarde angevine n’était pas une exception, mon mari, bourbonnais avait eu la même enfance faite de bancs et de puits et mon amie proche depuis notre entrée en 6 ème, il y a 71 ans, a les mêmes souvenirs de sa jeunesse bretonne.
La solidarité d’une communauté, l’intégration des personnes âgées à cette société et la reconnaissance de la mort comme un phénomène normal , voilà des choses qui n’ont guère leur place dans le monde occidental du XXIème siècle.
Pourtant je vois autour de moi de plus en plus d’initiatives individuelles isolées pour retrouver la « vraie vie ». Peut-être est-on en train de comprendre que vivre entouré d’écrans et bientôt de robots n’est pas satisfaisant pour un être humain?