Nous consommons donc 48 boîtes de médicaments par personne et par an. Mais combien en avalent tellement plus? Car, beaucoup n’ont, comme moi, ni pilulier, ni jolie boite à poser devant son assiette. Ils ont une armoire à pharmacie quasiment vide, ! quelques boites de paracétamol, quelques tubes de pommade et autres produits de première nécessité.
Une de mes grands mères, de santé fragile, et morte à 89 ans, avait l’habitude de dire
“ Si çà continue, je mourrais guérie!
Je crois bien que les maladies s’usent sur moi. “
Malgré ses maux, elle avait réussi à vivre sereinement sa vieillesse avec l’aide d’un médecin, vieux lui aussi, “qui soignait plus par empathie et psychologie que pharmacopée ». Car, il n s’agit pas d’un refus de la médecine mais d’une prise en main personnelle de sa santé ( prévention, surveillance) en acceptant les désagréments liés à la génétique et à l’âge, en apprenant à les gérer et à vivre avec eux le plus harmonieusement possible, … tout en reconnaissant que des traitements sont parfois indispensables
“Tu as de la chance me dit-on “, ce qui me met hors de moi car j’ai tous mes problèmes d'octogénaire comme eux! Plusieurs spécialistes me suivent, certains depuis plus de 30 ans, ils peuvent attester que je subis les « dégats » de l'âge. Mais ils ont compris depuis longtemps que je n’attends pas une ordonnance comme un dû et la plupart du temps, il ne m’en délivrent pas.
il est vrai que pour beaucoup des soignants, la surmédication des personnes âgées est un phénomène normal;
A ma mère qui est entrée en maison de retraite à 95 ans, on a demandé :” Que prenez vous?... Réponse... “rien sauf pour mon diabète”, ce qui a entrainé, ...” Rien! Vous allez devoir rencontrer le médecin”. C’est vrai qu’il faut remplir le pilulier journalier ( matin, midi et soir!)
A un ami octogénaire qui, lui aussi, a répondu... “rien”, le spécialiste, interloqué, a dit “ Rien , allons monsieur, ne mentez pas, que prenez vous?”
J’ai pris conscience de ce phénomène dans les années 60. Jeune institutrice, je voyais mes élèves entrer dans le cycle des médicaments avalés pour rien. La chimie prenait possession de notre vie et, la croyance en sa valeur devenait un culte, aussi bien en médecine qu’en agriculture.
J’appelais mes petits “ la génération pénicilline/théralène”! et j’essayais de freiner les mères qui ne savaient que me dire “ son nez coule, il tousse ...je vais demander de la pénicilline au médecin “ et “ il s’agite le soir, il se réveille la nuit, je vais lui donner du théralène”
On n’avait pas encore inventé “ les antibiotiques, ce n’est pas automatique” et l’institutrice que j’étais avait beau expliquer qu’il valait mieux garder les antibiotiques pour des choses graves et que le théralène, allait rendre leurs enfants accros aux somnifères, ... j’étais jeune et pas auréolé d’un savoir médical!
J’exerçais dans un tout petit village, la population était paysanne et pauvre. Une de mes amies, institutrice en centre ville bourgeois, constatait le même engouement pharmaceutique que moi en ces années 60/70 et , aussi navrée que moi, elle expliquait sans succès.
Le temps a passé... les parents de cette époque sont les octogénaires de maintenant, ce sont les boulimiques des petites pilules et leurs enfants cinquantenaires … sont devenus les plus gros consommateurs de tranquillisants du monde.