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Vieillir - Page 8

  • J'ai de nouveaux voisins!

    J'ai de nouveaux voisins!

    Jamais je n'aurais pensé que ce banal petit fait de la vie de tous les jours pourrait faire l'objet d'une note. 

    Et pourtant l'arrivée des habitants de la maison d'en face m'a rappelé l'installation des premiers propriétaires des 9 petits pavillons de cette raquette. Destinés à une clientèle vieillissante, ils avaient été conçus rationnellement pour pouvoir  finir sa vie confortablement.  En fait, les acheteurs avaient  entre 50 et 70 ans en cette année 1993, pas encore si vieux!

     

    J'occupe la première maison le 1er avril... non ce n'est pas un poisson d'avril. 

    À chaque nouvelle arrivée, tout le monde se réunit spontanément sur la petite place centrale pour faire  connaissance. Début juillet nous sommes au complet, la municipalité organise un apéritif, autour de l'acacia qui vient d'être planté et  le maire nous fait l'honneur d'une visite.

    Nous trouvons si sympathique ce moment de convivialité que nous décidons d'organiser tout l'été un apéritif par mois en sortant nos tables.

    Hélas, la mauvaise saison arrive mais nous prenons tant de plaisir à nos rencontres que nous nous invitons à tour de rôle. De plus,  la place est restée "le lieu on l'on cause". Quand on se rencontre par hasard  il n'est pas rare que d'autres sortent et se mêlent à la conversation.

     

    Le temps à passé, la mort est passée parmi nous, il y a eu des départs dus à un changement de vie. Seulement 3 pavillons ont gardé leurs premiers occupants. Bizarrement, nous avons encore des liens avec ceux qui ont déménagé mais connaissons peu nos voisins. La « cérémonie d’accueil » a été abandonnée, la place est désertée, l'acacia est mort et n'a pas été remplacé. Les contacts se résument souvent en un signe de tête lorsqu’on se voit! Et plus triste, un de mes voisins ne répond jamais à mes "bonjour!!!"

    Un couple, avec qui je me suis liée d’une grande amitié, veut espérer  et invite encore à des goûters, des apéritifs pour créer un lien,  mais presque personne ne répond à l’invitation.  Chacun se crispe sur sa petite vie dans son petit coin.  Pourquoi? Tous sont des retraités et ne peuvent pas invoquer leur charge de travail!

     

    La semaine dernière donc, un couple s'est  installé en face de chez moi. Hier, comme ils se dirigeaient vers leur voiture, je me suis avancée et leur ai parlé, je ne sais pas s'ils ont apprécié mais ont eu l'air très étonnés.... et pas très chaleureux. Le femme m'a dit ne pas connaître le bourg, je me suis donc mise à sa disposition pour la renseigner. Est ce que je les reverrai? 

    J'ai la nostalgie de ce passé récent où on savait se parler. Les Petits Frères des pauvres ont publié il y a quelques mois la constatation suivante: "Une personne sur 4 de plus de 75 ans n'a pas plus de 3 discussions par an.... Il suffit d'un sourire pour engager la conversation".

    Non, il ne suffit pas toujours d'un sourire! Croyez vous qu'on se parle beaucoup dans les maisons de retraite? J'en ai beaucoup fréquenté pour savoir que ce n'est pas le cas! Et pourquoi?

    Je ne suis pas passéiste et n'estime pas que " dans le temps" tout était parfait mais les relations entre êtres humains, étaient tout de même spontanément plus amicales.

     

    Lorsque dans ce blog, j'ai parlé de ma vie de petite fille avant guerre dans mon petit village, mon " amie" Nathalie a évoqué " rendez vous en terre inconnue" pour la convivialité et la solidarité, je crois de plus en plus qu'elle à raison.

    Pourtant, j'espère un sursaut de tous ceux qui ne se trouvent pas à l'aise dans ce monde !

  • Hommage aux médecins du temps passé!

    Après avoir lu dans Ouest France  que l’un des plus vieux généralistes de France, le Dr Le Men, allait prendre sa retraite à 92 ans, exerçant depuis 1949, dans les Côtes d’Armor,  j’ai voulu savoir s’il y avait d’autres exemples.  J’ai découvert le  Dr Belliard, son ainé qui,  à  94 ans exerce à Nantes depuis 1946. Aussi le Dr Chenay, 92 ans qui  a ouvert son cabinet en 1946 et n’a jamais quitté sa commune, en banlieue parisienne. Et le Dr Rozier, 89 ans, médecin dans le Valgaudemar depuis 1955 qui déplore les déserts médicaux et « la peur des jeunes de vivre à  la campagne, qui se regroupent en ville par facilité ». Son bonheur serait « d’aller jusqu'au bout, et de mourir au pied d'un malade, mais le plus tard possible".

     

    Ces exemples exceptionnels témoignent tous de l’amour et de l’estime pour leur métier, de leur passion du diagnostic, de l’attachement  à leurs patients et du rôle social qu’ils ont auprès d’eux! Tous affirment aussi la nécessité de travailler pour bien vieillir « Garder un travail intellectuel, c’est ce qu’on peut faire de mieux,  Ceux qui s’arrêtent déclinent très vite et meurent très vite »

    Ils expliquent la médecine qu’ils ont connue,« La médecine était totalement différente. C’était surtout une médecine avec des signes cliniques. Les moyens techniques et toute la biologie n’étaient pas pointus. Poser un diagnostic, qui portait de lourdes conséquences, demandait beaucoup de réflexion » 

    Ils montrent le point auquel ils étaient polyvalents: « A l'époque on faisait tout, les accouchements, les radios à domicile, au lit des malades, de la chirurgie. Une fois j'ai du recoudre la tête d'un homme qui s'était scalpé tout le crâne en tombant de bicyclette... On n'avait pas autant de médicaments, on n'avait rien. Il n'y avait pas de spécialistes, d'assurance. Alors on soulageait la population! »

     

     Ils pointent du doigt les effets négatifs d'«une médecine à deux vitesses» et évoque la précarité des personnes âgées, dont ils ont vu la situation financière se dégrader ces dernières années, et ont du mal à se soigner. Ils expliquent l’importance des visites pour les patients âgés qui ont du mal à se déplacer. 

    Heureux et fiers d’avoir été à l’écoute de leurs clients 7 jours sur 7, nuit et jour, sans prendre de vacances, ils sont facilement critiques pour la médecine actuelle.  Car ils n’ont jamais mené cette vie pour devenir riches!

     

    J’ai connu ces médecins de mon enfance, venant sans être appelé parce « qu’ils passaient par là »  et voulaient voir comment çà allait.

    Mon médecin de famille des années 60 a été un véritable ami, il soignait tous mes petits élèves et se disait lui-même « un peu sorcier » car  les enfants se sentaient mieux dès qu’il arrivait, grâce à la manière dont il leur parlait!. Il  était autant autant psychologue, assistante sociale, et conseiller familial et toujours disponible. Et il savait que l’homme est un tout et qu’il fallait l’appréhender dans sa globalité. Passer de spécialistes en spécialistes  permettait peut-être de découvrir une anomalie, pas forcement la cause des maux pour lesquels on consultait. Lui aussi m’a bien des fois dit combien cette vie de dévouement  le comblait. 

     Et, dans cette note, je veux rendre un réel hommage aux médecins du temps passé pour qui leur métier était un sacerdoce et une raison de vivre!

  • Apercu de la vie d'avant guerre!

    Ma dernière note pouvait faire croire que je n’accordais aucune valeur à une amitié virtuelle. Il n’en est rien… car je  m’inquiétais du silence de « Nathalie » qui n’avait posté aucun commentaire sur mon blog depuis quelques semaines. Le jour de l’An, ses voeux, en complément de  ma dernière note,  m’ont fait chaud au coeur et un réel plaisir! 

    C’est donc à tous mes lecteurs, fidèles ou occasionnels, que j’adresse les miens aujourd’hui, bien sincères, en les remerciant de lire les réflexions sur la vie et le monde d’une femme ordinaire de plus de 80 ans!

    Le monde a changé trop vite,  la télé, les ordinateurs, les consoles et maintenant les smartphones ont cloué  la majorité des hommes et des femmes des pays dits développés, devant leurs écrans, ignorant « la vraie vie » (comme a écrit la soeur de Mark Zuckenberg) et ne s’apercevant pas qu’autour d’eux vivent des êtres humains qu’ils serait bon de ne  pas ignorer.

    Mon enfance s’est passé dans un village de moins de 200 habitants, beaucoup de très petits cultivateurs, 2 commerces (une épicerie et un café), quelques artisans, quelques ouvriers qui travaillaient à une petite laiterie coopérative et des personnes âgées qui vivotaient avec un jardin et quelques volailles.  Dans cette communauté rurale, ma mère était l’institutrice de la cinquantaine d’enfants du bourg et des environs, une classe unique mixte sans concurrence d’une école privée.

    Peu de rivalités, tout le monde se connaissait, devinait  les difficultés des uns et des autres  et savait pratiquer l’entraide et la solidarité naturellement, sans l’appeler charité.

    Devant presque chaque maison un banc de bois incitait à s’asseoir pour bavarder. Les rencontres, les conversations étaient journalières On organisait autour de ce banc d’interminables veillées l’été pendant lesquelles les langues ne chômaient pas et le rire était de rigueur. Les enfants couraient et jouaient sur la route ( car il ne passait pas de voiture) jusqu’à ce que le train de 10h siffle au loin et mette fin a ce moment privilégié.  L’hiver, c’est autour de la cheminée qu’on s’invitait et là encore les conversations allaient bon train.

    L’autre lieu de rencontres était le puits communal où chaque femme du bourg venait au moins une fois par jour puiser un ou 2 seaux d’eau. Que de conversations, que de rires,  que de jeux  pour les petits qui les accompagnaient.

    Maintenant, des 19h,  chacun est enfermé dans sa petite boite scotché à son écran! Comment connaître l’Autre et l’aimer, même s’il vit sur le même palier? On a bien créé une fête des voisins mais sans grand succès et si j’en juge par mon quartier,  sans conséquence sur la convivialité dès le lendemain.

    J’ai cité le sondage des Petits Frères de pauvres à propos des «  vieux » qui n’ont pas plus de 4  vraies conversations par an. Devant l’école de mon village habitait un vieux monsieur handicapé qui chaque soir s’installait sur son banc lorsque 17 h arrivait. Et oui, pour les élèves, c’était un passage obligé… aller bavarder, rire et jouer autour de lui. Il est arrivé a ma mère,certains soirs d’hiver, de sortir  pour dire à ses élèves qu’ils allaient arriver à la nuit chez eux s’ils continuaient à tenir compagnie au «  père Colas ». Et il y avait d’autres personnes seules qui attendaient la sortie des écoliers pour vivre des instants au contact des enfants. De plus, on pensait à eux, par exemple, combien de fois, après avoir cueilli des fruits dans notre jardin me suis je vue chargée d’en porter à une personne seule à l’autre bourg du bourg avec mission de rester bavarder avec elle!   

    Impensable maintenant où la personne âgées est  ignorée par les actifs!

    Je veux enfin aborder un autre sujet, la mort! Elle faisait partie de la vie, on mourait chez soi, entouré de la famille, des voisins et des amis et les enfants n’étaient pas exclus des derniers instants d’un être cher. Oui, tout le monde savait d’instinct « apprivoiser la mort » et la vivre comme un passage obligé de la vie à … autre chose! Elle ne faisait peur à personne et on savait parler a ceux qui étaient dans le chagrin alors que maintenant , on les évite et ne sait quoi leur dire.

    Ma vie de petite campagnarde angevine n’était pas une exception, mon mari, bourbonnais avait eu la même enfance  faite de bancs et de puits et mon amie proche depuis notre entrée en 6 ème, il y a 71 ans,  a les mêmes souvenirs de sa jeunesse bretonne. 

    La solidarité d’une communauté,  l’intégration des personnes âgées à cette société et la reconnaissance de la mort comme un phénomène normal , voilà des choses qui n’ont guère leur place dans le monde occidental du XXIème siècle.

    Pourtant je vois autour de moi  de plus en plus d’initiatives individuelles isolées pour retrouver la « vraie vie ». Peut-être est-on en train de comprendre que vivre entouré  d’écrans et bientôt de robots n’est pas satisfaisant pour un être humain?