C’est en écoutant Deezer, qui meublait le silence d’un dimanche matin très brumeux que j'ai pris conscience du fait suivant. La facilite que m’apporte ce site empêche les découvertes que je faisais autrefois.
Il y a quelques années, j’allais toutes les quinzaines emprunter des CD dans ma discothèque. Je fouinais un peu partout et, avec l’aide des responsables, je choisissais des styles, des auteurs, des folklores différents et j’enrichissais, j’élargissais mes connaissances et j’affinais mes gouts.
Et j’ai découvert Deezer qui me permettait d’entendre toutes les musiques que je souhaitais au moment où je le voulais, je trouvais çà super, j’invitais mes ami(e)s a faire de même, et je jouissais de vivre avec un fond musical toujours disponible.
J’avais oublié que toute écoute était répertoriée, que ces fameux algorithmes qui régissent de plus en plus notre vie, bâtissaient peu a peu mon profil, a partir de mon âge, de mes écoutes et de tout un faisceau d’informations « volées » sur Internet qui permettaient de me connaitre. Donc maintenant quand j’ouvre « Accueil Deezer » s’affiche « Flow, votre bande son-personnalisée » juste au dessous « Sélections de Playlists choisis pour vous par nos Deezer Editors ». et sur la page « A écouter » je lis « recommandé pour vous aujourd’hui »… je ne peux que dire … « merci, une telle sollicitude me touche »!
Une grande partie de ma matinée de dimanche j’ai navigué en suivant les conseils et j’ai réalisé que je m’enfermais dans un stock de musiques, plus ou moins imposées. On a tendance à me cantonner dans l’écoute des chansons de ma jeunesse,( oh ces années 60/70!), la relaxation et la musique africaine que j'aime depuis si longtemps.
Mais pourquoi à bientôt 85 ans vouloir connaitre le rap, le slam, les nouvelles formes d'écriture musicale et ... les chanteurs actuel de maitre Gims à Rihanna? Est-ce anormal? Et est-ce un vice d’aimer s’informer?
J'ai pris conscience que, de plus en plus qu’Internet nous enferme dans un état de « servitude volontaire » Cette expression est le titre d’un livre toujours d’actualité « Discours de la Servitude Volontaire » écrit par Antoine de la Boétie en 1548 alors qu’il avait ….18 ans! Il démontre de façon magistrale que « l’asservissement des peuples est d’autant plus fort que la soumission est vécue comme étant légitime par les dominés ». Je viens de relire ce livre, des citations feront l’objet d’une prochaine note!
Je me suis demandée si j’étais la seule a avoir mauvais esprit et j’ai commencé mes recherches. je n’ai pas eu de mal a trouver un article, « Comment les algorythmes nous rendent tous débiles » ( Rue89) qui nous rappelle de ne oublier que tous ces sites sont là pour gagner de l’argent. « une personne aux goûts prévisibles est plus rentable qu’une personne aux goûts imprévisibles. Les recommandations des algorithmes qu’ils utilisent vont vous maintenir dans un « endroit clos ».Cela a déjà été théorisé : ça s’appelle la « bulle filtrante ». Autour de vous, un cocon se constitue, filtrant tout ce qui n’est pas censé vous correspondre. Vous ne serez plus amené à découvrir de nouvelles musiques, de nouveaux courants culturels, de personnes loin de votre milieu social etc. »
Autre titre (l'Expansion) « Big Data Algorithmes : l’esprit porté par la Silicon Valley est totalitaire » Car, les entreprises de la Silicon Valley sont porteuses d'un véritable projet politique. «Leurs algorithmes mettent sous leur coupe ceux qui s'y soumettent, volontairement. Aveuglant les consommateurs et les Etats par l'éclat de leur spectaculaire réussite économique, ces entreprises sont en train d'accumuler des sommes incalculables de données, grâce auxquelles elles ambitionnent de tout mesurer, tout contrôler, tout prévoir. Ou quand les mathématiques deviennent totalitaires. Pour les GAFA ( Google, Apple, Facebook, Amazon), l’homme devient un produit comme les autres."
Je me demande quelle société peut naître dans ce Monde en servitude, consentie par l’homme! Cela m’évoque la dernière lettre de St Exupéry, envoyée au général X, la veille de sa mort, avant la disparition en mer de son avion . Ce visionnaire refusait de vivre dans le monde qu’il pressentait et concluait:
« Il ne reste rien que la voix du robot de la propagande (pardonnez-moi). Deux milliards d’hommes n’entendent plus que le robot, ne comprennent plus que le robot, se font robots. » N’et ce pas ce que nous sommes tous en train de devenir! … aspirer, consentir à devenir uniquement des robots, aimer çà et trouver çà normal c’est pour le moins étonnant !