C’est lors d’une balade sur le port de Sanary que j’ai découvert, le mois dernier un bâtiment sur lequel j’ai lu: « Prud’homie de Sanary ». Je connaissais les « Prud’hommes », je me suis demandée ce que ce terme « prud’homie » pouvait recouvrir ici et Google m’a permis de découvrir une très ancienne et très intéressante institution. Qu’elle vive encore après plus de 1000 ans, malgré les aléas et les interdictions qu’elle a rencontrée au cours des âges est une raison d’espérer que le monde peut rester humain et plus juste, si les hommes le veulent vraiment!.
Issues des communautés de métiers du Moyen-Age, les prud'homies de pêcheurs sont des institutions qui encadrent la gestion de l'ensemble des ressources marines vivantes sur tout le littoral méditerranéen français.Ces communautés de patrons pêcheurs élisent des Prud'hommes chargés de gérer la pêche sur leur territoire, par des attributions réglementaires, juridictionnelles et disciplinaires.
Les décisions sont fondés sur le respect de la personne et des générations futures.
« Tout le monde doit pouvoir vivre de son métier (ou le soleil se lève pour tout le monde). Il faut éviter qu'un métier n'en chasse un autre... Un métier, il vaut mieux le réglementer que l'interdire par rapport à ceux qui en vivent... Si la pêche est perdue pour un pêcheur, elle ne doit pas l'être pour tout le monde... Il faut laisser reposer les espèces, ou les «pierres » alternativement (une sorte de jachère)... La mer, il ne s'agit pas de la vider mais d'en bien vivre et d'en laisser à ses enfants »
De bien beaux principes qui détonent à notre époque! Et çà marche: a Sanary, il y a 13 patrons pêcheurs et 4 matelots élus pour gérer localement, avec simplicité, rapidité, et à moindres frais, l'activité de pêche et les conflits qu'elle occasionne, pour préserver des zones marines, pour conserver un modèle de gestion des pêches qui a fait ses preuves dans le temps...
Le chalutage est interdit au même titre que les filets trainants Le nombre de captures est plafonnée par bateau. Les jeunes sont protégés par la taille minimale des mailles et hameçons. Les temps de trempage des engins dans l'eau sont plafonnés également. Les zones de frayères sont protégées, des périodes d’arrêt de pêche instituées.
De plus, les prud'hommes sont attentifs à la situation individuelle de chacun des membres de la communauté : soutenir les jeunes, les pêcheurs retraités, les veuves, ceux qui ont des soucis (santé, matériel, autorisation administrative...). Le soutien, selon les cas et les possibilités, peut être financier, administratif, institutionnel.
Rue 89, qui a écrit un article très documenté, titre « Une autre vision du travail, de la propriété et des relations sociales. Et le fondement d’une révolution ? ». Il y a une trentaine de prud’homies, des microsociétés d’artisans-pêcheurs similaire le long de nos côtes, pourquoi ne se généraliseraient -elles pas? Beaucoup pensent comme eux que « « La mer n’appartient à personne. Le libre accès à la ressource devrait être la règle et les pêcheurs, se règlementer eux-mêmes. Bruxelles, c’est des quotas, des licences : on privatise la mer. »
Mais les prud’homies préférant valoriser des quantités limitées et diversifiées sur un marché local bien achalandé plutôt que de vendre de grandes quantités à bas prix contrecarrent l’industrialisation des pêches et le productivisme et doivent lutter contre les directives nationales et européennes, souvent sans être entendus, encore moins comprises.
Pourtant elles démontrent que les choses peuvent changer et que l’industrialisation de la pêche n’est pas une fatalité.