Sondages! chaque jour, une avalanche de pourcentages est déversée sur nos têtes sur tous les sujets: dégringolade de nos dirigeants, coude à coude Obama Romney, mariage gay, islam, etc…
C'est le pain quotidien des éditorialistes, et des commentateurs de la vie politique.
Pour qui suit l'actualité, il est facile de constater qu'on fait dire ce qu'on veut à des sondages.
Alain Garrigou et Richard Brousse, de l'Observatoire des sondages viennent de publier un livre " Manuel anti-sondages: la démocratie n'est pas à vendre". Ils affirment qu'une "critique citoyenne des sondages est plus nécessaire que jamais…. La politique est devenue une course de chevaux …. Et, en politique, contrairement à ce qui se passe sur les hippodrommes, les commentateurs aident ou pénalisent considérablement les concurrents. La compétition est-elle alors démocratique ? Est-elle même complétement loyale ?"
Dans un article du Monde en 1972, Maurice Druon affirmait déjà que "les sondages étaient une pollution pour la démocratie"
Or depuis cette date, le poids des sondages dans le fonctionnement de la vie politique, est devenu considérable : réalisés en permanence, confortés les uns par les autres, ils finissent par à avoir autant d'existence politique que le vote.
L'opinion publique çà se construit, et après çà se travaille….. grâce aux sondages.
Car il est plus facile d' asséner une ribambelle de chiffres que les idées ou programme des candidats qui parfois n'en ont pas.
Le poids des médias, aux ordres des puissances financières, est sans cesse plus important , et les "sondages sont une arme de destruction mentale massive". Ils ont le même rôle que la publicité. De plus, ils sont devenus un marché en pleine expansion. "Fabriquée, transformée en données chiffrées, marchandisée puis manipulée, l'opinion publique est à présent une source de profits"
J'ai trouvé une étude de 1981 où Daniel Kahneman et Amos Tversky (qui gagneront plus tard le prix Nobel grâce à une partie de leurs résultats), expliquent la façon dont la formulation des choix proposés influe de manière décisive sur les réponses des personnes interrogées.
Ils ont présenté à deux groupes d’étudiants la question :
" Une épidémie menace le pays. Quelle politique vous semble la plus raisonnable ? "
Au premier groupe, on donne le choix suivant :
- A. Sauver 200 personnes sur 600 de manière certaine.
- B. Sauver 600 personnes avec une chance sur trois.
Au second groupe, un autre choix est proposé :
- C. Laisser mourir 400 personnes.
- D. Laisser mourir 600 personnes avec deux chances sur trois. »
Quel que soit le choix A, B, C ou D, le résultat mathématique est rigoureusement la même. Par ailleurs, les deux alternatives proposées, au premier comme au second groupe, sont identiques.
Seule la formulation change.
Pourtant, les réponses sont très différentes dans les deux groupes.Dans le premier groupe, les participants prennent une attitude d’aversion au risque et optent majoritairement pour le choix A. Dans le second, ils ne veulent pas assumer la mort des 400 personnes et se portent sur le choix D!
Je réponds volontiers à des sondages, mais refuse souvent une question qui appelle une réponse obligée. De même, je constate que les sondages papier en cochant une alternative sur 3 ou 4, est aussi un leurre car souvent on m'enferme dans un choix qui n'est pas le mien!
Alors, il, semble bien que les sondages produisent des comportements plus encore qu'ils n'en décrivent et qu'ils ne sont pas un savoir, mais un pouvoir.