Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Réflexions - Page 67

  • Portraits d'enfants "differents" dans une classe du passé

    Une de les amies, ex institutrice de CP dans le Midi avait coutume de dire " Mes minots m'ont tout tout appris". Je pense aussi que comprendre ce que ressent un enfant de 6/8 ans permet de comprendre le monde.

    En cette période troublée où on découvre tant de jeunes adultes déboussolés et en recherche d'un sens à leur vie, j'évoque souvent les petits "hors normes" qui ont été mes élèves. À mes débuts, dans les années 50, il s'agissait souvent d'enfants nés "hors mariage" (oh! le mot insultant de bâtard) ou de petits de l'Assistance. Des enfants comme les autres avec la même sensibilité, le même intelligence et qui aspiraient à être à acceptés, "reconnus". Sensibles oui, souvent plus que les autres, "écorchés vifs" et prêts à tant de choses pour être aimés.

    Des exemples? En voici quelques uns mais il y aurait matière à écrire un livre!

    - Que dire de Michel, "petit bâtard" taciturne qui adorait colorier, appliqué et précis, mais... jamais content de lui, ajoutait couleur sur couleur jusqu'à un barbouillis vaguement vert/marron puis fondait en larmes en disant "c'est pas beau". Il voulait réussir la perfection pour qu'on l'admire, enfin! Un jour, la mère s'est mariée, et le beau père l'a placé en "maison d'enfants prédélinquants" lui, si doux, qui voulait seulement être aimé.

    - Et mon petit blondinet, enfant de l'Assistance, qui m'a un jour dessiné "sa" famille: un homme énorme dans un coin une toute petite femme et les 2 enfants du couple au milieu. À ma question" et toi, tu ne t'es pas dessiné?" Il m'a répondu "il n'y avait pas de place sur la feuille" .... pourtant 3/4 vide! Intelligent lui aussi, qui avait toutes les chances de réussite, mais un tel complexe de rejet!

    Après ce fut l'arrivée de familles d'Afrique du Nord (Algérie , Maroc surtout) et là encore j'ai vécu le besoin de reconnaissance de ces enfants entre 2 cultures et 2 religions.

    - Un certain Mohamed de 10 ans, niveau CM au Maroc, avait été placé dans mon CP à son arrivée en France pour sa méconnaissance du français! ( pas de structure d'intégration dans les environs) . Intelligent, ouvert, avide d'apprendre, il vivait mal de travailler sur "1et 1 font 2" alors qu'il savait résoudre problèmes et opérations de tous niveaux. Pas facile pour lui d'écouter des leçons, des histoires pour "bébés" ( comme il me disait) quand on raisonne comme un grand, pas facile de s'intégrer a ceux de son âge de qui le considéraient comme un étranger un peu débile puisqu'il était au CP!

    - Et ma petite Samira, excellente élève, admirablement élevée, coquette petite fille aux tresses brunes, ponctuées d'un ruban rouge, mal à l'aise entre 2 cultures , qui voulait être une Française comme les autres et qu'un retour au pays avait "démolie" car grand mère et cousines vivaient " comme au moyen Âge" m'avait-elle dit, et que ses parents adoptaient ce mode de vie dans le bled. Elle aimait cette famille, sa famille, mais était choquée de devoir vivre comme ses cousines et ne comprenait, ni n'admettait ce décalage.

    Combien de recréation ai-je passé avec tous ces enfants qui n'arrivaient pas à trouver une place dans notre société et qu'il fallait écouter et comprendre! "Dis maîtresse?" me confiaient-ils. Et il fallait expliquer la valeur de chaque culture, expliquer la différence, et surtout le droit à cette différence. Faire comprendre que chaque être humain doit être accueilli, respecté et aimé et qu'on peut s'enrichir des différences.

    Oh! oh! elle exagère êtes vous en train de vous dire: " parle-t-elle bien de "petits bouts" de 6 ans?"

    Et oui, et avec tant de belles histoires!....un stock tiré de contes persans, arabes, européens, français , que je ne lisais pas, mais racontais, les yeux dans les yeux, parfois un peu modifiés et simplifiés. Il y avait aussi les fameux écrits pour leçon de morale, ce livre "Morale Doquet" qui ne quittait pas le bureau des enseignants et dont tant d'histoires touchantes amenaient des larmes dans les yeux de mes élèves! Il a été réédité d'ailleurs se vend sur Internet.

    Oui, me dit-on, mais c'était un autre monde, avant l'ère de la télé, et d'Internet, quand 6 ans était encore l'âge de l'innocence! Je ne suis pas si sûre que l'enfant au fond, ait tellement changé! Et je pense qu'il a, plus que jamais, besoin qu'on lui explique, très jeune,  ce monde si peu fait pour lui! L'instruction, c'est une chose mais qui doit sans cesse être source d'éducation, d'évolution, d'intégration.

    Encore faut-il que les parents adoptent la même démarche! C'était vrai " de mon temps" maintenant, c'est une autre histoire!

  • A ajouter à la note précédente!

    Après une absence de quelques jours, je reprends mon blog et remets en forme ma dernière note mise en ligne à partir de ma tablette qui n’offre pas les mêmes possibilités de présentation.
    Ce matin, j’ai décidé de publier le commentaire que m’a envoyé «  Nathalie ». Un rapide sondage auprès des amis qui me suivent et j’ai du constater, avec regret, que les commentaires étaient rarement lus!
    Or celui de Nathalie est la suite logique de ma note. Voici ce qu'elle a écrit:


    "Bonsoir, 
    Le " je suis Charlie " est LA représentation actuelle du monde et de son lot de souffrances. Comment peut-on continuer à dire JE quand on voit ce que l'égo a fait à notre pauvre planète : je veux être riche, je veux avoir une belle voiture, je veux partir en vacances... Ce JE occulte toutes les tragédies qui ont lieu à travers le monde. Ce JE ne pense qu'à lui et le résultat est sous nos yeux : un monde égoïste sans aucune compassion ni respect pour l'autre.

    Les média télévisés, très adeptes du JE, m'ont écoeurée jusqu'à la nausée par leur non-information et leur manipulation. Ils orientent notre pensée et si nous ne nous méfions pas suffisamment, nous devenons vite hypnotisés et restons scotchés aux interviews creuses et sans intérêt qu'ils nous distillent à longueur de journée. Nous agissons alors comme des moutons, ne réfléchissons plus, n’avons plus aucun avis, si ce n’est celui de ceux qu’on écoute. Le danger est très grand alors.

    La récupération par la classe politique m'a également fortement agacée. Ils surfent constamment sur la vague de la sécurité et s'immisce alors en nous la peur de l'autre. La peur, émotion totalement irrationnelle et non maitrisable, qui engendre toutes sortes d’agissements absurdes.

    Je vous rejoins entièrement sur l’importance de l’éducation.
    Voici d’ailleurs ce que répond Boris Cyrulnik à la question " Ces terroristes sont donc formatés et ne sont pas fous ? "
    " Ce ne sont pas des fous, ni des monstres. Ce sont des enfants normaux et en détresse, façonnés intentionnellement par une minorité qui veut prendre le pouvoir. Ces enfants sont abandonnés, en difficulté psychosociale et éducative, et il faudrait d'abord les éduquer. Ils le sont par les réseaux sociaux qui sont une arme pour façonner ces jeunes. Internet véhicule une représentation facile de la réalité, une pensée paresseuse à l'origine de toutes les théories totalitaires. Avec une minorité d'hommes formés, payés et armés, manipulés et fabriqués, on peut détruire une civilisation. Cela a été fait. L'inquisition et le nazisme l'ont fait. "

    Voilà tout est dit avec " la pensée paresseuse ".

    Et à la question : " En disant cela vous déresponsabilisez aussi ces terroristes ? "", il répond : " C'est un risque. Je pense aussi que l'on a toujours un espace de liberté. Mais je veux parler de la responsabilité de nos gouvernants qui ont abandonné culturellement les gosses de nos quartiers et les ont soumis à des manipulateurs. L'Allemagne nazi était très cultivée, mais la base de la société ne l'était pas du tout. C'est exactement la même chose dans les pays du Moyen-orient. "

    Voici le lien de son interview très intéressante : http://www.tv7.com/point-de-vue-de-boris-cyrulnik-neuropsychiatre_3979593465001.php

    Apprenons aux enfants à réfléchir avec le cœur, c’est l’organe de la compassion.

    Nathalie"

    Merci Nathalie d'exprimer si bien ce que pensent heureusement beaucoup de gens autour de nous. J'étais en train de rédiger une prochaine note.... des souvenirs a propos de mes petits élèves, "différents" musulmans, roms ou quart monde ( comme on disait alors), tellement semblables aux "Français de souche", (une expression que j'exècre). C 'est la société qui "fabrique" les hommes qu'ils deviennent.

    Mais ce matin je constate que le " soufflé " est en train de retomber et que la belle unité se fissure déjà!

  • Etre Charlie, oui, mais surtout reflechir!

    La grande manifestation est passée, le "soufflé" va peu à peu retomber. Espérons qu'il restera quelque chose de cet élan qui a été bien encourageant et qui rend optimiste pour l'avenir si....?

    Mais aujourd hui, je n'écrirai plus "Je suis Charlie" avec le même enthousiasme que l'autre soir! Je n'ai pas toujours aimé la façon dont les médias, encore une fois, ont fait tourner en boucle, 24h/24 des infos pas forcément confirmées, inintéressantes ou larmoyantes. Le buzz, ce nouveau mot, c'est scotcher "le bon peuple" à sa radio ou à sa télé, l'indigner et l'émouvoir, sans lui donner la possibilité d'une réflexion et encore moins d'une analyse.

    Je ne pense pas que l'équipe de Charlie a forcément apprécié le déroulement de l'hommage qui lui a été rendu! Tout ces chefs de gouvernements, dont beaucoup ne sont pas de parfaits démocrates, défilant d'un air compassé, j'avais appelé ça le "bal des hypocrites". J'ai avec surprise découvert que d'autres, sur différents sites, avaient écrit les mêmes termes. Tant et tant de gouvernants au racisme à peine voilé dans leur pays sous la bannière de la 'liberté de penser et d'écrire", j'ai trouvé ça affligeant!

    J'aurais voulu qu'on s'interroge sur le parcours de ces jeunes, élèves de primaire comme les autres, rêvant d'un bon travail et d'une vie familiale simple, qui se sont retrouvés embrigadés par des fondamentalistes et sont devenus des monstres. Je ne leur cherche pas d'excuses, mais je sais par expérience que rejet, humiliation, chômage, misère et finalement marginalisation peuvent expliquer le besoin de suivre si facilement les gourous qui, enfin reconnaisse une "valeur" et une "importance" à ces jeunes sans repères.

    J'aurais voulu qu'on parle éducation, mot, que l'ai trouvé seulement dans la bouche de plusieurs imams. Pourquoi veut on ignorer qu'humilier, réprimer, condamner fait se lever une armée de révoltés? Chez mes grands parents si pauvres et si humbles, on parlait surtout d'éducation, d'information, de réflexion et de CULTURE, indispensables pour une évolution du "PEUPLE"! Et on attribuait à ce mot une noblesse que notre société à bien oubliée.

    J'aurais souhaité aussi qu'on explique que l'islamisme n'est pas l'islam de millions de musulmans. C'est le sunnisme, une des 2 branches de cette religion qui a développé des sectes se radicalisant de plus en plus.

    J'aurais voulu, évidemment qu'on parle des sources de financement de ces "fous de Dieu".

    J'aurai voulu surtout qu'on dise que les musulmans sont les premières victimes de ces extrémistes. N'aurait-on pas dû parler du massacre des villageois de 60 villages à la frontière du Nigeria et de "mon Niger", la veille du massacre de Charlie Hebdo. Villages rasés par Boko Haram, 2000 morts, femmes, enfants, vieillards compris, 20000 réfugiés fuyant alors qu'on leur titrait dessus. C'étaient de vrais musulmans pourtant! Et les lycéennes disparues et oubliées! Musulmanes elles aussi!

    J'aurais voulu enfin qu'on ne stigmatise pas l'islam comme une religion de violence! Ancien et Nouveau Testament, Coran, on trouve les mêmes notions d' Amour, de Respect, de Tolérance et de Pardon. Mais aussi des appels à tuer des Infidèles pour le salut de son âme, et tant d'autres violences, ... et aucune religion ne s'en est privée à aucun moment de l'histoire. Ne pourrait-on pas faire des cours sur ces 3 religions du Livre en mettant en parallèle versets juifs, catholiques, et musulmans pour montrer combien ils y a de similitudes!

    Oui, je suis Charlie et tous les autres, juif, musulman, agnostique ou athée, massacrés, un jour de janvier, pour ses idées ou pour s'être trouvés la au mauvais moment. Mais j'aurais aimé qu'on sorte de l'émotionnel pour faire un travail d'information, de vraie information qui se veut lucide, qui donne à chacun le moyen réfléchir sur ce qu'il est vraiment , ce qu'il pense au fond de lui de ses voisins, des immigrés, des autres peuples, des autres religions, pour être capable de faire un effort pour comprendre le sens des mots "Tolérance et Respect".

    Autrement le "soufflé" retombera très vite!