Je lis ce matin que Gossip est revenu sur le net. Pas de modification, si ce n’est un modérateur qui supprimera ce qui lui paraîtra vraiment exagéré.
Je ne pense pas que ça changera grand-chose. Gossip, « l’appli qui démocratise les ragots de façon totalement anonyme », une appli pour diffuser des « potins », une appli « bon enfant, drôle et sympathique » affirme sa créatrice, Cindy Mouly, jeune parisienne de 25 ans branchée, Gossip donc, continue sur sa lancée: médire et calomnier!
Pour ceux qui l’ ignore, Gossip permet de poster une « rumeur »composée de 140 caractères avec identification de la personne concernée, rumeur qui peut être assortie d’une « preuve » une photo ou une vidéo de 10 secondes. Les messages restent affichés 10 secondes et sont strictement anonymes. Et ce n’est pas tout: tous vos contacts peuvent le lire mais aussi tous les contacts … de vos contacts…. belle chaîne de médisance et de calomnies!
Succès commercial foudroyant: destinée d’abord a la tranche d’âge de 25/35 ans, elle a été autorisée a partir de 12 ans et a fait un malheur dans les établissements scolaires. Elle se classait fin mai en 7ème position dans les applications les plus téléchargées avec près 10000 téléchargements par jour. C’est que cette appli s’inspire d’une série américaine Gossip Girl qui met en scène un corbeau mystérieux répandant toutes sortes de rumeurs parmi les lycéens représentant l’élite de New York, série dont nos jeunes sont friands.
Ces messages qui ne restent que quelques secondes suffisent à dégrader le climat de tout un établissement scolaire, On cite déjà plusieurs exemples. C’est que les sujets favoris sont le sexe, le physique, l’argent et quels ravages peuvent faire des ragots quand on aborde ces sujets, Gossip est une arme de destruction de réputation et de harcèlement!
Le ministère de l’éducation nationale considère qu’entre 700000 élèves et 1 million d’élèves sont victimes de harcéléments sévères et graves ( chiffres sous-estimés, dit la docteur en psychopathologie et psychothérapeute Hélène Romano, qui avance plutôt celui de trois élèves sur dix). Il y a quelques jours un jeune s’est suicidé après avoir été victime de chantage à la vidéo intime sur Skype. Et ce n’est pas le premier.
Cette appli « bon enfant » ne peut qu’amener échec scolaire, dépression, voire suicide chez les plus faibles, et le suicide est la 2ème cause de mortalité chez les moins de 20 ans!
Les psychologues expliquent qu’à notre époque, on milite pour être libres, jouir sans entrave, libéré de tout carcan, donc on universalise l’individualisme en niant la fraternité et dans un monde sans valeurs ou l’argent seul est roi, il est logique que les jeunes, qui croient que tout est permis, soient attirés par le voyeurisme et la méchanceté gratuite.
Hélène Romano explique « Interdire sans expliquer ne servira à rien. Il faut surtout essayer de comprendre pourquoi il y a une telle appétence chez beaucoup de jeunes à faire souffrir les autres. Mon hypothèse est qu’il s’agit d’un signe de souffrance relationnelle de cette génération, nourrie par une forme de démission des adultes face aux écrans, mais aussi par les valeurs extrêmement individualistes transmises par ces écrans, téléréalité en premier lieu. »
On peut bien disserter sur ce sujet, aujourd’hui Gossip revient, et on parle d’une version « Pretium payante, avec encore plus de ragoits dedans »
En écrivant cette note, je me remémore l’éloge de la calomnie de Beaumarchais: La calomnie, Monsieur ? Vous ne savez guère ce que vous dédaignez ; j’ai vu les plus honnêtes gens prêts d’en être accablés. Croyez qu’il n’y a pas de plate méchanceté, pas d’horreurs, pas de conte absurde, qu’on ne fasse adopter aux oisifs d’une grande ville, en s’y prenant bien : et nous avons ici des gens d’une adresse ! ... D’abord un bruit léger, rasant le sol comme hirondelle avant l’orage, pianissimo murmure et file, et sème en courant le trait empoisonné. Telle bouche le recueille, et piano, piano vous le glisse en l’oreille adroitement. Le mal est fait, il germe, il rampe, il chemine, et rinforzando de bouche en bouche il va le diable ; puis tout à coup, on ne sais comment, vous voyez calomnie se dresser, siffler, s’enfler, grandir à vue d’œil ; elle s’élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne, et devient, grâce au Ciel, un cri général, un crescendo public, un chorus universel de haine et de proscription. Qui diable y résisterait ?
Rien n’a vraiment changé mais dans les années 2000 la propagation s’est faite universelle avec les réseaux sociaux et Internet!