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Les réflexions d'une "ex-petite fille" au spectacle de Dieudonné

Je m'étais jurée que je ne parlerai pas de Dieudonné sur ce blog. Depuis toujours ma devise est une phrase de Voltaire « Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous puissiez vous exprimer ».

Pourtant ce matin j'écoutais les réactions des gens à l'interdiction du spectacle à Nantes et j'ai senti la colère monter en moi. "On a chanté chaud, chaud l'ananas, fait mille quenelles , et autres .... et on a bien rigolé"

J'ai senti la colère oui, mais aussi  le chagrin monter en moi et j'ai commencé à écrire ce papier (sans savoir si je le publierai)  car, de certaines choses , je crois qu’on n'a pas le droit "de bien rigoler." Par instant, notre monde, notre époque me répugne car  ne plus accepter la Différence, mépriser l’Autre, l'humilier, le haïr, souhaiter le voir disparaître .... et, finalement,  rigoler est en train de devenir banal !

 

La guerre ! J'ai 7 ans en 1939. Je suis fille unique de parents humanistes qui ne me laissent rien ignorer de la montée du nazisme, on m'explique "Mein Kampf" et j'en lis des passages. On me dit qu'il n'y a pas de race inférieure, que tout homme est respectable. et que le nazisme est une négation de ces deux valeurs. Ces mêmes parents m'interdisent pourtant de dire "les Boches" et, lorsque notre village est occupé,  me demandent d'être polie avec la dizaine d'Allemands qui vivent  dans notre maison d'école et travaillent  dans une pièce contiguë à notre cuisine car "Ce sont des papas comme le tien qu'on a envoyé faire la guerre loin de leurs enfants. Ils ne sont pas tous nazis!" 

Les Juifs, j'ai appris leur particularité en demandant pourquoi ces ignobles caricatures dans les journaux d'avant-guerre!

1944, je suis pensionnaire au lycée et sans le savoir,  pendant l'année scolaire , une petite juive de 13 ans est mon amie. À la rentrée elle  nous dit qu'elle est élevée par ses grands-parents , après la libération nous apprenons son vrai nom, juif car  ses « grands parents » sont des Justes qui l'ont recueillie  lorsque sa famille a été déportée,...  à la fin de l'année scolaire nous savons que pas un membre de sa famille ne reviendra et je n'oublierai jamais  son courage, sa dignité dans ce malheur infini pour elle!

 La déportation, pour moi, c'est un ami passé de camps en camps,  miraculé après avoir été jeté sur un tas de morts et qui pèse 40 kg a son  retour

Les interrogatoires musclés, je n'oublierai jamais celui auquel j'ai "assisté" ( il avait lieu dans la pièce contiguë à notre cuisine ) pour un couple et leur fille, ni juifs, ni résistants, mais "dénoncés".... les cris des SS, les coups... Ils ne sont pas revenus!

 

Je n'ai pourtant pas souffert dans ma chair de cette haine nazie, mais la petite fille que j’étais n’a jamais oublié. Il m'est impossible d'accepter qu'on raille le Shoah, la déportation des juifs des Roms, de tant d’innocents, qu'on fasse de cette période noire un sujet d'humour, de dérision et surtout qu'on nous montre ce déni d'humanité comme un idéal pour l'avenir.

Comme l'avant guerre ressemblait à 2013/14!

Commentaires

  • Bonjour,
    C'est via la revue Politis que j'ai connu votre blog. Cest aavec émotion que j'y ai lu quelques articles qui redonnent espoir dans l'être humain. Que de sagesse, que de réflexions vous nous communiquez.
    Nous avons de gens comme vous pour nous aiguillonner, pour redonner courage et, surtout, nous montrer que l'on peut rester jeune.
    Au plaisir de m'inspirer longtemps de votre plume si pertinente et si sensible.
    Cordialement.

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