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Des notes ou non?

 

Une nouvelle fois, les notes sont mises en cause à l'école. 

Premier round, après 68, où on était passé de la notation 0/10  en primaire à A/D, hélas,  devenu pour beaucoup d'enseignants  A+, A, A- …. jusqu'à D- ( 12 degrés au lieu de 10!)

Aujourd'hui, vingt personnalités,  (dont Boris Cyrulnik, Daniel Pennac ou Marcel Rufo), se sont jointes à l'appel lancé par l'Afev (Association de fondation étudiante pour la ville) pour réclamer la suppression des notes à l'école élémentaire, afin d'éviter "une stigmatisation des élèves et la sélection par l'échec".

 Il est vrai que les études de psychologie scolaire montrent  comment les évaluations négatives font naître un sentiment fort d'incompétence. L'élève finit par penser qu'il  est nul.

Or la motivation scolaire dépend de l' estime de soi, du sentiment de sa compétence à apprendre.

Mais dans  le système français, tous réclament des notes: parents d'abord et instituteurs. Quant aux enfants … on sait bien que, les meilleurs surtout,  demandent  aux autres " T'as eu combien?".

Et souvent humilient ensuite les moins bons par leur attitude quand ce n'est pas par leurs paroles.

Déjà, dans Poil de Carotte, Jules Renard raconte l'histoire de la cruche cassée par grand frère Félix après la prédiction de son père " s'il va chercher de l'eau, il cassera la cruche"!

C'est tellement vrai et vérifiable par les parents chaque jour, 

"Sans confiance des adultes, l'enfant n'aura jamais confiance en lui!" 

Dans les années 60, j'avais une classe à 4 cours ( 4 ans à 8 ans). Dans notre école de village à 2 classes , nous organisions, mon mari et moi,  une énorme fête de prix qui drainait toute la population des environs. Dans un souci d'équité, bien avant 68,  nous avions supprimé les piles de livres au prix d'excellence, chaque élève du même cours avait le même livre et chaque élève allait présenter son prix à un conseiller municipal. 

Pourtant cette année là, un de mes petits d'une dizaine d'années qui avait eu du mal à apprendre à lire en 2 ans  et naviguait du CP au CE2 suivant les matières ( bien pratique ces classes multiples pour les rattrapages sans redoublement) était venu me faire une drôle de requête.

" Dites, Madame, je ne voudrais pas montrer mon prix à un conseiller"

J'interroge et il m'explique 

" j'ai honte quand on lit les prix que j'ai eu"

. Etonnement pour moi car tous ont sur la feuille incluse à le première page du livre "Prix de ….. et de ….". Même le dernier a 2 prix!

Nouvelle explication et j'entends que

" Quand il lit travaux manuels ou gymnastique, bonne camaraderie ou bonne volonté, j'ai honte"


Voilà, ce qui était une humiliation pour lui, la " qualité" de la matière! car la société était déjà ainsi faite qu'il avait compris la différence entre  matières nobles et autres!

Bonne leçon pour moi qui croyait bien faire.

Quant à Michel, petit bonhomme sensible, issu d'une famille très pauvre d'ouvrier agricole, doué d'un réel talent d'organisateur pendant les récréations, travailleur et attentif, muni d'une solide intelligence manuelle, (capable de tout faire avec rien) mais, hélas,  pas doué pour pour que ce que le monde lui imposait comme essentiel, il  souffrait et se sentait humilié de ne pas entendre math ou français dans l'énoncé de ses prix.

Je n'ai jamais oublié et j'ai toujours valorisé ceux qui étaient en difficulté en essayant de ne jamais les humilier.

 

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