La Toussaint approche et je décide d'aller faire mes achats de fleurs sans attendre. J'ai l'habitude, en plus des chrysanthèmes traditionnels, de renouveler les fleurs artificielles des vases qui sont sur les tombes familiales, et, pour cela,de me rendre à la jardinerie la plus proche où je trouve dans des seaux des fleurs à longues tiges, vendues à l'unité, avec les quels je compose mes bouquets.
Moment agréable où je "communique les miens" en essayant de leur" faire plaisir" ! Et je choisis fleurs et couleurs qu'ils affectionnent pour créer les bouquets qui leur ressemblent. C'est ce que je "leur dit" en déposant les fleurs sur les froides pierres
Aujourd'hui, dans le coin habituel, un alignement de pots de toutes formes avec , engainées dans un espèce de plâtre des bouquets tout faits. Je tourne au bout de la console… les mêmes, en plus grands et des vases hauts, eux aussi remplis de bouquets composés!
Je sors en essayant de me dire qu'ailleurs ce sera mieux: une grande surface, un bazar, je dois me rendre à l'évidence, rien vendu à l'unité!
Et voilà les pensées que je rumine en rentrant chez moi.
Toussaints de mon enfance: moment de recueillement! Déjeuner en famille, en présence des grands parents, puis confection des bouquets en évoquant les disparus! Cétaient les bons souvenirs, les épisodes amusants qu'on racontait aux enfants. Ensuite, à la queue leu leu, on allait de tombe en tombe, promenade lente ponctuée de" tu te souviens" ou "tu ne l'as pas connu", … les morts revivaient le temps d'un après midi.
Chaque année, j'observe les gens dans ce cimetière si connu depuis 50 ans: c'est maintenant souvent une arrivée rapide puis, le plus vite possible, un passage devant la tombe, avec dépôt de fleurs, beaucoup de fleurs !!! car " tout de même çà se fait d'honorer ses morts et c'est la Toussaint" … et le départ au pas de course. On est satisfait, on a fait son devoir, on a sacrifié à la tradition.
Le monde a changé! La mort, on en la vit pas, on la cache, on meurt à l'hôpital, bardé de tuyaux, avec la famille au second plan car, maintenant, tout le monde a peur de la mort et veut ignorer que la vie à une fin.
C'est sans doute pourquoi peu de gens se préoccupent comme moi de " faire plaisir " au mort et de confectionner un bouquet, et c'est tellement plus simple d'acheter un produit fini.
Il faut dire de plus que, pour les marchands, le bénéfice est plus grand et que c'est devenu essentiel dans notre monde mercantile!
Et le mot mercantile me ramène à cette jardinerie où ce WE, on ouvrira la Galerie de Noël avec ses sapins, Père Noël, traineau, ors, paillettes, avec toute la splendeur d' un 25 décembre. J'ai regardé, constaté et suis sortie en me disant " Ce n'est pas possible, on sera samedi le …30 octobre!
Pauvres petits bouts d'hommes de ce début de XXIème siècle, formatés, manipulés
dont on détruit l'émerveillement de l'enfance!"