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  • Portraits d'enfants "differents" dans une classe du passé

    Une de les amies, ex institutrice de CP dans le Midi avait coutume de dire " Mes minots m'ont tout tout appris". Je pense aussi que comprendre ce que ressent un enfant de 6/8 ans permet de comprendre le monde.

    En cette période troublée où on découvre tant de jeunes adultes déboussolés et en recherche d'un sens à leur vie, j'évoque souvent les petits "hors normes" qui ont été mes élèves. À mes débuts, dans les années 50, il s'agissait souvent d'enfants nés "hors mariage" (oh! le mot insultant de bâtard) ou de petits de l'Assistance. Des enfants comme les autres avec la même sensibilité, le même intelligence et qui aspiraient à être à acceptés, "reconnus". Sensibles oui, souvent plus que les autres, "écorchés vifs" et prêts à tant de choses pour être aimés.

    Des exemples? En voici quelques uns mais il y aurait matière à écrire un livre!

    - Que dire de Michel, "petit bâtard" taciturne qui adorait colorier, appliqué et précis, mais... jamais content de lui, ajoutait couleur sur couleur jusqu'à un barbouillis vaguement vert/marron puis fondait en larmes en disant "c'est pas beau". Il voulait réussir la perfection pour qu'on l'admire, enfin! Un jour, la mère s'est mariée, et le beau père l'a placé en "maison d'enfants prédélinquants" lui, si doux, qui voulait seulement être aimé.

    - Et mon petit blondinet, enfant de l'Assistance, qui m'a un jour dessiné "sa" famille: un homme énorme dans un coin une toute petite femme et les 2 enfants du couple au milieu. À ma question" et toi, tu ne t'es pas dessiné?" Il m'a répondu "il n'y avait pas de place sur la feuille" .... pourtant 3/4 vide! Intelligent lui aussi, qui avait toutes les chances de réussite, mais un tel complexe de rejet!

    Après ce fut l'arrivée de familles d'Afrique du Nord (Algérie , Maroc surtout) et là encore j'ai vécu le besoin de reconnaissance de ces enfants entre 2 cultures et 2 religions.

    - Un certain Mohamed de 10 ans, niveau CM au Maroc, avait été placé dans mon CP à son arrivée en France pour sa méconnaissance du français! ( pas de structure d'intégration dans les environs) . Intelligent, ouvert, avide d'apprendre, il vivait mal de travailler sur "1et 1 font 2" alors qu'il savait résoudre problèmes et opérations de tous niveaux. Pas facile pour lui d'écouter des leçons, des histoires pour "bébés" ( comme il me disait) quand on raisonne comme un grand, pas facile de s'intégrer a ceux de son âge de qui le considéraient comme un étranger un peu débile puisqu'il était au CP!

    - Et ma petite Samira, excellente élève, admirablement élevée, coquette petite fille aux tresses brunes, ponctuées d'un ruban rouge, mal à l'aise entre 2 cultures , qui voulait être une Française comme les autres et qu'un retour au pays avait "démolie" car grand mère et cousines vivaient " comme au moyen Âge" m'avait-elle dit, et que ses parents adoptaient ce mode de vie dans le bled. Elle aimait cette famille, sa famille, mais était choquée de devoir vivre comme ses cousines et ne comprenait, ni n'admettait ce décalage.

    Combien de recréation ai-je passé avec tous ces enfants qui n'arrivaient pas à trouver une place dans notre société et qu'il fallait écouter et comprendre! "Dis maîtresse?" me confiaient-ils. Et il fallait expliquer la valeur de chaque culture, expliquer la différence, et surtout le droit à cette différence. Faire comprendre que chaque être humain doit être accueilli, respecté et aimé et qu'on peut s'enrichir des différences.

    Oh! oh! elle exagère êtes vous en train de vous dire: " parle-t-elle bien de "petits bouts" de 6 ans?"

    Et oui, et avec tant de belles histoires!....un stock tiré de contes persans, arabes, européens, français , que je ne lisais pas, mais racontais, les yeux dans les yeux, parfois un peu modifiés et simplifiés. Il y avait aussi les fameux écrits pour leçon de morale, ce livre "Morale Doquet" qui ne quittait pas le bureau des enseignants et dont tant d'histoires touchantes amenaient des larmes dans les yeux de mes élèves! Il a été réédité d'ailleurs se vend sur Internet.

    Oui, me dit-on, mais c'était un autre monde, avant l'ère de la télé, et d'Internet, quand 6 ans était encore l'âge de l'innocence! Je ne suis pas si sûre que l'enfant au fond, ait tellement changé! Et je pense qu'il a, plus que jamais, besoin qu'on lui explique, très jeune,  ce monde si peu fait pour lui! L'instruction, c'est une chose mais qui doit sans cesse être source d'éducation, d'évolution, d'intégration.

    Encore faut-il que les parents adoptent la même démarche! C'était vrai " de mon temps" maintenant, c'est une autre histoire!